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rabines, lui prouva que les soupçons de la dame de Lochleven n’avaient pas cédé à ses alarmes, au point qu’elle oubliât de mettre des sentinelles à la porte des prisonniers. Il fut contraint de rentrer dans la salle d’audience, où il trouva la dame du château en conférence avec son savant médecin.

« Trêve de vos flatteries et de vos sottises solennelles, Lundin (ce fut ainsi qu’elle accosta l’homme de l’art), et dites sur-le-champ si vous pensez que cette dame ait pris quelque chose de malsain.

— Mais, bonne lady… honorée patronne… que je dois servir par mes talents médicaux et officiels, veuillez m’écouter. Si mon illustre malade ne veut me répondre que par des soupirs et des gémissements… si cette autre honorable dame ne fait que me bâiller au nez quand je l’interroge sur le diagnostic… et si cette autre jeune demoiselle, qui est assurément une jolie fille…

— Ne me parlez pas de beauté ni de jeunes filles, interrompit la dame de Lochleven… je demande si elles sont malades… en un mot, répondez-moi, ont-elles pris du poison, oui, ou non ?

— Les poisons, madame, reprit le savant médecin, sont de diverses espèces. Il y a le poison animal, tel que le lepus marinus, mentionné par Dioscoride et Galien… Il y a des poisons minéraux et semi-minéraux, tels que ceux qui sont composés de régule sublimé d’antimoine, de vitriol et les sels d’arsenic… Il y a des poisons végétaux, tels que l’aqua cymbalariœ, l’opium, l’aconit, les cantharides, et autres semblables… Il y a aussi…

— Vraie science de fou ! et je le suis au moins autant, moi qui attends un oracle d’une bouche comme la tienne, dit la dame.

— Que Votre Seigneurie prenne patience… Si je savais de quels aliments ces dames ont fait usage, ou si je pouvais en voir les restes… car pour ce qui est des symptômes externes et internes, je ne puis rien découvrir ; et cependant, à ce que dit Galien, dans son second livre des Antidotes… »

— Débarrasse-nous de ta science, pauvre sot, dit la dame ; et envoie-moi ici cette sorcière ; elle avouera ce qu’elle a donné au misérable Dryfesdale, ou les poucettes de fer lui arracheront les doigts[1].

— L’art n’a pas de plus grand ennemi que l’ignorance, » dit le docteur mortifié, voilant néanmoins sa remarque par la ver-

  1. Pilniewinks et thumbikins, instruments de torture en usage en Écosse, au moyen desquels on serrait les pouces aux prisonniers que l’on mettait à la question.a. m.