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qu’un regard d’elle me rappelle son père… Néanmoins sa ressemblance avec cette véritable fille de la maison de Guise, sa mère détestée, affermit ma résolution. Mais il ne faut pas… il ne faut pas qu’elle périsse dans ma maison. Je vais retourner à son appartement… Et ce scélérat endurci, dont j’estimais tant la fidélité, et qui m’en avait donné tant de preuves ! quel miracle peut réunir dans le même sein tant de scélératesse et un pareil dévouement ! »

La dame de Lochleven ne savait pas jusqu’où les esprits d’une trempe sombre et déterminée peuvent se laisser entraîner par un vif ressentiment de petites injures, lorsque ce ressentiment se combine avec l’amour du gain, l’égoïsme et un fanatisme pareil à celui que cet homme avait puisé parmi les sectaires insensés de l’Allemagne. Elle ignorait surtout combien le fatalisme, qu’il avait embrassé si absolument, étouffe la conscience humaine en nous représentant nos actions comme le résultat d’une nécessité inévitable.

Pendant sa visite au prisonnier, Roland avait fait part à Catherine de la conversation qu’il avait eue à la porte de l’appartement. La prompte intelligence de la jeune fille avait aussitôt compris ce qu’elle présumait être arrivé ; mais ses préjugés l’emportèrent au-delà de la vérité.

« Ils voulaient nous empoisonner ! » s’écria-t-elle avec horreur ; « et voilà le vase fatal qui devait accomplir l’œuvre ! Oui, Douglas cessant de goûter nos aliments, ils étaient préparés de manière à nous donner la mort ! Et toi, Roland ! qui en aurais fait l’essai, tu étais condamné à mourir avec nous. Ô chère lady Fleming ! pardon, pardon, pour les injures que je vous ai dites dans ma colère ! Vos paroles étaient inspirées de Dieu pour nous sauver la vie, et surtout celle de notre reine infortunée ! Mais que faire à présent ce vieux crocodile du lac va venir tout à l’heure verser ses larmes hypocrites sur notre agonie ! Lady Fleming, que faut-il faire ?

— Que Dieu nous secoure dans notre malheur ! que puis-je vous conseiller ? à moins d’adresser nos plaintes au régent ?

— Adresser notre plainte au diable ! et accuser sa mère au pied de son trône brûlant !… mais la reine dort encore… gagnons du temps. Il ne faut pas que cette sorcière empoisonneuse sache que son projet a échoué ; la vieille araignée envenimée n’a que trop de moyens de raccommoder sa toile déchirée… Où est le vase d’eau de chicorée ?… Roland, aide-moi : vide le contenu dans la chemi-