Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En disant ces mots, le sombre fataliste se détourna et se rendit, avec le plus grand calme, à la prison qui lui était assignée.

Sa maîtresse suivit le dernier avis : elle exprima seulement ses craintes que la dame n’eût pris quelque nourriture malsaine et ne fût dangereusement malade. Le château fut aussitôt en émoi. Randal partit pour accomplir les ordres qu’il avait reçus.

Pendant ce temps, la dame de Lochleven parlementait à la porte de l’appartement de la reine, et suppliait en vain le page de lui ouvrir.

« Enfant stupide ! dit-elle, ta vie et celle de ta dame sont en danger ; ouvre, te dis-je, ou je ferai enfoncer la porte.

— Je ne puis ouvrir sans l’ordre de ma royale maîtresse, répondit Roland : elle a été très-malade, maintenant elle sommeille ; si vous l’éveillez par votre violence, que les suites retombent sur vous et sur vos serviteurs !

— Jamais femme se vit-elle dans une plus cruelle position ? dit la dame de Lochleven. Au moins, enfant téméraire, que l’on se garde de toucher aux aliments, mais surtout au vase d’eau de chicorée. »

Elle se hâta ensuite de se rendre à la tour, où Dryfesdale l’avait tranquillement précédée. Elle le trouva occupé à lire, et lui adressa cette question : « L’effet de ton horrible potion devait-il être rapide ?

— Il devait être lent, répondit le vieillard. La sorcière me demanda mon choix ; je lui dis que je voulais une vengeance lente et certaine. La vengeance, dis-je, est le plus grand bonheur que l’homme goûte sur terre, et il faut qu’il en use lentement pour le bien savourer.

— Et contre qui, malheureux, nourrissais-tu cette affreuse vengeance !

— J’avais plusieurs buts, mais le principal était de punir ce page insolent.

— Ce jeune garçon !… barbare ! Qu’avait-il fait pour mériter ta cruauté ?

— Il gagnait votre faveur, et vous l’honoriez de vos commissions… c’était un point… Il obtenait aussi celle de George Douglas… c’en était un autre… Il était le favori du calviniste Henderson, qui me haïssait parce que je désavoue l’esprit de prêtrise. Il était cher à la femme de Moab… Les vents de chaque point opposé soufflaient en sa faveur… vous faisiez peu de cas du vieux.