Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/363

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— Scélérat ? et tu l’as mêlé aux aliments de cette dame captive ; pour déshonorer la maison de ton maître ?

— Pour racheter au contraire l’honneur de la maison de mon maître, je mêlai le contenu du paquet dans le vase d’eau de chicorée ; elle manque rarement de le vider, et la femme de Moab l’aime par-dessus tout.

— C’est une œuvre d’enfer, la demande et le don ? retire-toi, misérable, et allons voir si les secours viendraient encore assez tôt ?

— On ne vous laissera pas entrer, madame : je suis allé deux fois à la porte, mais je n’ai pu la faire ouvrir.

— Nous la ferons enfoncer, s’il le faut… et attendez… Appelez Randal tout de suite… Randal, il est arrivé un malheur affreux… Envoyez vite une barque à Kinross. On dit que le chambellan, Luc Lundin, a du talent… Cherchez aussi cette misérable sorcière Nicneven : elle détruira d’abord son propre charme ; puis on la brûlera vive dans l’île de Saint-Serf. Partez, partez ; dites aux bateliers de tendre les voiles et de faire force de rames, s’ils veulent que la main des Douglas leur prodigue les bienfaits.

— On ne trouvera pas facilement la mère Nicneven, et on ne l’amènera pas à de pareilles conditions, reprit Dryfesdale.

— Alors, accordez-lui un sauf-conduit avec toutes les garanties qu’elle voudra… et vous, Dryfesdale, veillez à l’exécution de mes ordres, car votre vie me répond de la guérison de cette dame.

— J’aurais bien pu le deviner, » répliqua Dryfesdale avec humeur ; « mais ma consolation est que j’ai travaillé à ma vengeance aussi bien qu’à la vôtre : elle m’a raillé, elle encourageait son insolent page à ridiculiser ma démarche gênée et ma parole lente. Je sentais qu’il me fallait me venger d’eux.

— Rendez-vous à la tour de l’Ouest, dit la dame, et restez-y jusqu’à ce que j’aie vu la fin de tout ceci. Je connais votre résolution : vous ne tenterez pas d’échapper.

— Pas même quand les murs de la tour seraient des coquilles d’œufs et le lac couvert de glace, dit Dryfesdale. Je sais et je crois fermement que l’homme ne fait rien par lui-même ; il est comme la bulle d’air qui s’élève à la surface des vagues, s’arrondit et crève, non par son propre effort, mais par celui du puissant moteur, c’est-à-dire du destin. Néanmoins, lady, si j’ose vous conseiller, dans tout ce zèle pour la vie de cette Jézabel de l’Écosse, n’oubliez pas ce qui est du à l’honneur de votre maison, et gardez le secret autant que possible. »