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considération de côté, que ce serait prendre une mauvaise route pour arriver à la faveur de sir William de Lochleven que d’être le premier à lui annoncer la faute de son fils. Et le régent lui-même ne serait pas très-satisfait d’apprendre l’infidélité de son vassal, non plus que Morton d’être instruit de la fourberie de son neveu.

— Hum ! » fit l’écuyer ; exclamation inarticulée, qui exprimait en lui une surprise désagréable. « Alors, faites ce que vous voudrez ; car, tout étourdi que vous paraissiez, vous savez comment vous conduire dans le monde.

— Je vais vous faire voir que mon système tient moins de l’égoïsme que vous ne le pensez, dit le page ; car, selon moi, la gaieté et la franchise valent mieux que la gravité et l’artifice ; peut-être même, au bout du compte, les premières qualités pourraient-elles combattre les autres avec quelque avantage. Sir intendant, vous ne m’avez jamais moins aimé que dans ce moment. Je sais que vous ne me ferez jamais une confidence réelle, et je suis décidé à ne pas prendre de belles protestations pour de bonne monnaie. Reprenez votre ancienne marche, soupçonnez-moi autant que vous voudrez, surveillez-moi autant qu’il vous plaira, je vous mets au défi. Vous avez rencontré aussi fin que vous.

— De par le ciel ! jeune homme, » s’écria l’intendant avec un regard de malignité amère ; « si tu oses tenter quelque trahison contre la maison de Lochleven, ta tête noircira au soleil sur la tour du Guet !

— Celui qui refuse la confiance ne peut pas commettre de trahison, dit le page ; et quant à ma tête, elle tient aussi solidement sur mes épaules que sur aucune tour que maçon ait jamais bâtie.

— Adieu donc, jeune perroquet bavard, dit Dryfesdale ; puisque tu es si fier de ton caquet et de ton plumage bigarré, méfie-toi des pièges et des gluaux.

— Adieu, vieux corbeau enroué, reprit le page ; ton vol pesant, ta couleur sombre et ton croassement monotone, ne sont pas des charmes qui puissent te protéger contre la flèche d’une arbalète ou le plomb d’un fusil. Guerre ouverte entre nous ! chacun pour sa maîtresse, et Dieu protégera la bonne cause.

— Amen, et il défendra son peuple, reprit l’intendant. J’instruirai ma maîtresse de ta complicité avec cette assemblée de traîtres. Bonsoir, monsieur l’étourdi.

« Bonsoir, seigneur l’acariâtre, » répondit le page ; et dès que le vieillard fut parti, il se mit en devoir de reposer.