Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/343

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approchent ! Ô ancienne maison de Lochleven, si long-temps renommée par ta noblesse et ton honneur, maudit soit le jour qui amena la tentatrice dans tes murs !

— Ne parlez pas ainsi, madame, reprit son petit-fils ; l’ancien honneur de la lignée des Douglas n’en sera que plus brillant, quand un de ses descendants aura consenti à mourir pour la plus outragée des reines, pour la plus adorable des femmes.

— Douglas, dit Marie, faut-il en ce moment, oui, en ce moment même, quand je vais perdre à jamais un fidèle sujet, que je te reproche d’oublier ce qui m’est dû comme reine ?

— Malheureux enfant ! » reprit avec égarement la dame de Lochleven, « es-tu donc tombé à ce point dans les pièges de cette femme de Moab ? As-tu échangé ton nom, ta fidélité, ton serment de chevalier, ton devoir envers tes parents, ton pays et ton Dieu, pour une larme feinte, un faible sourire des lèvres qui ont flatté le débile François, conduit à la mort l’idiot Darnley, lu des poésies tendres avec le mignon Chastelar, murmuré les lais d’amour, qu’accompagnait le mendiant Rizzio, et qui se sont jointes avec transport à celles de l’infâme et odieux Bothwell.

— Ne blasphémez pas, madame ! dit Douglas, et vous, belle reine, et aussi vertueuse que belle, ne traitez point avec trop de sévérité en un pareil moment la présomption de votre vassal ! Ne croyez pas que le simple dévouement d’un sujet m’ait porté à l’action que j’ai faite : vous méritez bien que chacun de vos serviteurs meure pour vous ; mais j’ai fait plus : j’ai fait ce à quoi l’amour seul pouvait conduire un Douglas ; j’ai dissimulé. Adieu donc, reine de tous les cœurs, et souveraine du cœur de Douglas ! Quand ce vil esclavage cessera de peser sur vous, car vous serez libre un jour s’il existe une justice au ciel, quand vous chargerez d’honneurs et de titres l’heureux mortel qui vous aura délivrée, accordez alors une pensée à celui dont le cœur aurait méprisé toute récompense pour le bonheur de baiser votre main ; donnez un seul soupir à sa fidélité, et versez une larme sur sa tombe !… » Et, se jetant à ses pieds, il saisit sa main et la porta contre ses lèvres.

« Et ceci devant mes yeux ! dit la dame de Lochleven ; oses-tu courtiser ton adultère maîtresse sous les yeux même d’une mère ? Qu’on les sépare, et qu’on mette ce jeune insensé sous une garde sévère ! Saisissez-le, sur votre vie ! » ajouta-t-elle en voyant que ses serviteurs se regardaient d’un air indécis.