Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/323

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— Néanmoins je n’aime pas ce bon service qui commence par un manque de foi.

— Je ne blâme pas vos scrupules, mon fils ; mais cette malheureuse époque, qui a rompu les liens des chrétiens envers l’Église et des sujets envers leur reine légitime, a également dissous tous les autres liens de la société ; et dans de pareils jours, les simples affections humaines ne doivent pas plus retarder nos progrès, que les bruyères et les épines, qui s’attachent aux vêtements du pèlerin, ne doivent l’arrêter sur la route, et l’empêcher d’accomplir son vœu.

— Mais mon père, » objecta encore le jeune homme ; puis il s’arrêta tout à coup en hésitant.

« Parlez, mon fils, dit l’abbé, et parlez sans crainte.

— Ne vous offensez donc pas si je dis que c’est précisément là ce dont nos adversaires nous accusent : ils prétendent que nous arrangeons les moyens selon le but, que nous commettons volontiers le mal pour le faire servir à notre bien.

— Les hérétiques ont employé leur art ordinaire pour vous égarer, mon fils ; ils voudraient bien nous priver du pouvoir d’agir sagement et en secret, tandis que la supériorité de leur nombre nous empêche de lutter à force ouverte. Il nous ont réduits à un état d’entier épuisement, et ils voudraient encore nous ôter les moyens par lesquels, dans toute la nature, la faiblesse supplée au manque de force, pour se défendre contre ses puissants ennemis. Il en est de même que si le chien disait au lièvre : N’emploie pas ces ruses déloyales pour m’échapper, mais lutte bravement contre moi. Les hérétiques puissants et armés demandent aux catholiques abattus et opprimés de mettre de côté la prudence du serpent, seul moyen de rétablir un jour la Jérusalem sur laquelle ils pleurent, et qu’il est de leur devoir de rebâtir… Mais nous nous étendrons sur ceci plus tard. Maintenant, mon fils, je vous recommande, au nom de la foi, de me dire avec vérité et en détail tout ce qui vous est arrivé depuis notre séparation, et de me peindre fidèlement l’état actuel de votre conscience. Votre aïeule, notre sœur Madeleine, est une femme riche de dons précieux, d’un zèle que ni les doutes ni les dangers ne peuvent refroidir ; mais encore, ce n’est pas tout à fait un zèle selon la science. Je veux donc, mon fils, être moi-même votre directeur et votre conseiller dans ces jours de ténèbres et de ruses. »

Avec tout le respect qu’il devait à son premier guide spirituel, Roland Græme détailla rapidement tous les événements qui sont