Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/317

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croissant… « Encore une fois, que cherches-tu, fourbe ?… Cherches-tu cet honneur auquel tu as renoncé, cette foi que tu as abandonnée, ces espérances que tu as détruites ?… ou bien me cherches-tu, moi, seule protectrice de ta jeunesse, le seul parent que tu aies jamais connu, afin de fouler aux pieds mes cheveux gris, comme tu as déjà foulé aux pieds le plus cher espoir de mon cœur ?

— Pardonnez-moi, ma mère, dit Roland Græme ; mais en vérité, je ne mérite pas votre blâme. J’ai été traité par vous-même, par vous, ma vénérable mère, aussi bien que par les autres… comme un être privé de toute force de volonté et qui n’a pas l’ombre de raison humaine, ou que tout au moins on juge incapable de s’en servir. On m’a conduit dans une terre enchantée, on m’a entouré de maléfices… chacun est venu se montrer à moi sous un déguisement… chacun m’a parlé en paraboles… j’ai été commue celui qui erre dans un songe, fatigant et confus ; et maintenant vous me blâmez de ne pas avoir le bon sens, le jugement, la fermeté d’un homme raisonnable, éveillé, sans illusions, qui sait ce qu’il fait et où il va. S’il faut marcher avec des masques et des spectres, qui changent de place comme il arrive dans les visions et non dans le monde de la réalité, il y a de quoi ébranler la foi la plus solide et tourner la tête la plus sage. Je cherchais, puisqu’il faut l’avouer, cette même Catherine Seyton, que vous avez été la première à me faire connaître, et que j’ai rencontrée bien extraordinairement dans ce village de Kinross, le disputant en gaieté aux gens de la fête, quand, peu d’instants auparavant, je l’avais laissée au château bien gardé de Lochleven, où elle est la triste suivante d’une reine emprisonnée… Je la cherche en ce moment ; et au lieu d’elle, je vous trouve, ma mère, et encore plus extraordinairement déguisée qu’elle ne l’est elle-même.

— Et qu’avais-tu à démêler avec Catherine Seyton ? » dit sévèrement la matrone. « Sommes-nous dans un temps à suivre les jeunes filles, et à danser autour d’un mai ? Quand la trompette appelle tous les vrais Écossais sous l’étendard de leur vraie souveraine, sera-t-on obligé d’aller te chercher jusque dans le boudoir d’une femme ?

— Non, de par le ciel, ni même derrière les tristes murailles d’un castel entouré par les eaux ! Je voudrais que le cor sonnât à l’instant même, car je vois que ces accents guerriers pourront seuls parvenir à dissiper les visions chimériques qui m’entourent.