Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/316

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« Benedictus qui venit in nomine Domini, damnandus qui in nomine inimici[1] ! » En entrant dans la chambre, il aperçut celle que le chambellan lui avait indiquée comme la mère Nicneven ; elle était assise près de l’humble foyer, mais il n’y avait nulle autre personne dans la chambre. Roland Græme regarda autour de lui, surpris de la disparition de Catherine Seyton, sans faire beaucoup d’attention à la prétendue sorcière, jusqu’à ce qu’enfin celle-ci attirât et fixât ses regards par le ton avec lequel elle lui demanda : « Que cherches-tu ici ?

— Je cherche, » dit le page fort embarrassé ; « je cherche… » Mais sa réponse fut interrompue tout à coup : la vieille femme, rapprochant sévèrement ses énormes sourcils gris, en les fronçant de manière à former mille rides sur son front, se leva, et se montrant dans toute sa grandeur naturelle, arracha le mouchoir qui couvrait sa tête ; alors, saisissant Roland par le bras, elle fit deux enjambées par la chambre et se trouva près d’une petite fenêtre à travers laquelle la lumière tomba en plein sur son visage. Cette lumière montra au jeune homme étonné la figure de Madeleine Græme. « Oui, Roland dit-elle, tes yeux ne te trompent pas, ils te montrent vraiment les traits de celle que tu as trompée, dont tu as rempli la coupe d’amertume, dont tu as changé le pain en poison et l’espérance en profond désespoir. C’est elle qui te demande maintenant : « Que cherches-tu ici ? » Celle dont le plus grand crime envers le ciel était de t’aimer plus que le bien de toute son Église ; celle qui ne pouvait sans répugnance t’abandonner même dans la cause de Dieu ; celle-là te demande maintenant : Que cherches-tu ici ? »

Tandis qu’elle parlait, elle tenait son grand œil noir fixé sur le visage du jeune homme, avec l’expression d’un aigle qui regarde sa proie avant de la déchirer en pièces. Roland se sentit incapable de répondre ou d’éluder. Cette enthousiaste extraordinaire avait en quelque sorte conservé sur lui l’ascendant qu’elle avait pris pendant son enfance ; d’ailleurs, il connaissait la violence de ses passions et son impatience de toute contradiction ; et enfin, il le savait de reste, tout ce qu’il pourrait dire ne servirait qu’à la jeter dans un transport de rage. Il gardait donc le silence, et Madeleine Græme continuait son apostrophe avec un enthousiasme toujours

  1. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, damné qui vient au nom de l’ennemi.