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— Si je suis telle, reprit la demoiselle, je n’engage pas les fous à me suivre ; s’il le font, c’est de leur propre volonté, et à leur propre péril.

— Allons, ma chère Catherine, soyez sérieuse un seul instant.

— Si vous voulez me nommer votre chère Catherine, quand je vous ai donné à choisir parmi tant d’autres noms, je vous demanderai comment, en me supposant échappée de cette tour pour deux ou trois heures de ma vie, vous pouvez avoir la cruauté d’exiger que je sois sérieuse pendant les seuls moments favorables à la gaieté que j’aie eus depuis bien des mois.

— Oui ; mais, belle Catherine, il est des moments de sentiments vrais et sincères qui valent dix mille années de la plus grande gaieté ; et tel était celui d’hier quand vous étiez si près de…

— Si près de quoi ? » demanda la demoiselle avec empressement.

« Quand vous approchâtes vos lèvres si près du signe que vous aviez tracé sur mon front.

— Mère du ciel ! » s’écria la virago d’un ton mâle et courroucé, « Catherine Seyton approcher ses lèvres du front d’un homme, et toi cet homme ! Vassal, tu mens ! »

Le page resta étonné ; mais, concevant qu’il avait effarouché la délicatesse de miss Seyton en faisant allusion à l’enthousiasme d’un moment, et à la manière dont elle l’avait exprimé, il s’efforça de balbutier une excuse. Quoiqu’il ne pût lui donner une tournure régulière, sa compagne s’en contenta ; au fait elle avait réprimé son indignation après le premier éclat. « N’en parlons plus, dit-elle, et séparons-nous, notre entretien peut attirer plus de remarques qu’il ne conviendrait pour l’un ou pour l’autre.

— Eh bien ! permettez que je vous accompagne dans quelque lieu écarté.

— Vous ne l’oseriez pas.

— Comment ! je n’oserais pas ? où osez-vous aller, pour que je n’ose vous y suivre ?

— Vous craignez un feu follet ; comment oseriez-vous envisager un fier dragon monté par une enchanteresse ?

— Je le braverais comme un vrai chevalier errant ; comme sir Éger, sir Grime, ou sir Greystel ; mais peut-on voir ici de tels prodiges ?

— Je vais chez la mère Nicneven, reprit la demoiselle ; et elle est assez sorcière pour monter à cheval sur le diable cornu, te-