Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/306

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sainte écuelle à Lorette, et des coquilles qu’on avait apportées du tombeau de saint Jacques de Compostelle : il vendait tout cela aux catholiques dévots, à des prix aussi élevés que ceux qu’offrent maintenant les antiquaires pour des bagatelles de la même valeur intrinsèque. Enfin, le charlatan tira de sa mallette une petite fiole d’eau claire, dont il vanta les vertus par les vers suivants :

« Or, écoutez, petits et grands :
Dans la terre de Babylone,
La première où de feux brûlants
Le soleil d’orient rayonne,
Des qu’il sort des flots écumants ;
En ces lieux, vous pouvez m’en croire,
Et les légendes et les saints
En ont conservé la mémoire,
Il est, près des rocs souterrains,
Une source qui, solitaire.
Tombe dans un bassin de pierre
C’est là que, dans les temps lointains,
Se baignait la chaste Susanne.
Cette eau, bien loin d’être profane,
Possède une étrange vertu,
Dont la preuve visible et claire
Va soudain frapper le vulgaire,
Par ce miracle confondu.
Un peu de cette eau salutaire
Dans cette fiole est contenu.
Bravant des nuits le froid sévère,
Et du jour la vive chaleur,
J’ai su l’apporter, plein d’ardeur,
Et viens le montrer sans mystère.
Loin de sa mère une fillette,
A-t elle fait quelque faux pas ;
Une femme a-t-elle en cachette
Fait ce que l’on nomme tout bas ;
Sous son nez mignon que l’on passe
Cette onde au pouvoir enchanté :
Malgré même sa volonté,
Elle éternuera sur la place. »

Le connaisseur s’apercevra tout de suite que la plaisanterie est dans le même genre que celles des vieilles ballades de la Coupe de corne du roi Arthur, et du Manteau mal fait. Mais l’auditoire n’était ni assez savant ni assez critique pour contester l’originalité