Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/302

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parmi des vases cassés et des pots fendus pour trouver une coupe dans laquelle on pût boire. Enfin étant parvenu à se procurer ce qu’il cherchait, le docteur montra l’exemple à son hôte en vidant une coupe de cordial et en faisant claquer ses lèvres en forme d’approbation pendant qu’il l’avalait. Roland, à son tour, but la potion que son hôte lui avait tant vantée : il la trouva si amère qu’il lui tarda de sortir du laboratoire pour chasser ce mauvais goût avec de l’eau pure. Mais en dépit de ses efforts, il fut retenu par le bavardage de son hôte qui voulait lui parler de la mère Nicneven.

« Je ne me soucie pas de parler d’elle en plein air, dit le docteur, et parmi le peuple, non par crainte, comme ce poltron d’Anster, mais parce que je ne veux pas causer de tumulte, n’ayant pas le loisir d’examiner les coups de poignard, les blessures et les os brisés. On appelle cette vieille gueuse une prophétesse : je ne pense pas qu’elle pût dire quand une couvée de poulets sortira de la coquille. On dit qu’elle lit dans les cieux : ma chienne noire en sait plus sur les astres quand elle se met sur son derrière en aboyant après la lune. On dit que cette vieille malheureuse est une sorcière, une enchanteresse, que sais-je ? Inter nos, je ne contredirai pas un bruit qui peut l’amener au poteau qu’elle mérite si bien ; mais je pense que les contes de sorcières qu’ils cornent à nos oreilles ne sont que poltronnerie, lâcheté et fables de vieilles femmes.

— Au nom du ciel, demanda le page, qu’est-elle donc, pour tant la redouter ?

— C’est une de ces maudites vieilles femmes qui prennent sur elles, avec la dernière légèreté et une impudence extrême, de se mêler de guérir les maladies par la vertu de quelques méchantes herbes, de quelques charmes enchantés, des juleps ou la diète, des potions où des cordiaux.

— Oh ! n’allez pas plus loin, dit le page ; si elles composent des cordiaux, que le malheur soit leur lot et leur partage !

— Vous avez bien raison, jeune homme, reprit le docteur Lundin. Pour ma part, je ne connais pas de plus grandes pestes pour le bien général que ces vieux démons incarnés qui hantent les chambres des malheureux patients déjà bien assez malades sans elles. Ces harpies troublent, interrompent et gâtent les progrès réguliers d’une cure savante et habile, avec leurs sirops, leurs juleps, leur diascordium, leur mithridate, leur poudre de milady