Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/285

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degré ces qualités extérieures qui gagnent les regards et l’attention des hommes. Avez-vous considéré vos devoirs envers cette dame, envers Marie d’Écosse, sous leur vrai point de vue et dans leurs conséquences ?

— Je me flatte, révérend ministre, répondit Roland, de connaître assez bien les devoirs qu’un serviteur tel que moi doit remplir envers sa royale maîtresse, surtout dans une situation si déchue et si malheureuse.

— Très-bien ; mais ce sont ces honnêtes sentiments eux-mêmes qui peuvent, dans l’état où se trouve Marie, t’entraîner dans un grand crime et une grande trahison.

— Comment cela ? révérend ministre ; j’avoue que je ne vous comprends pas.

— Je ne vous parle pas des crimes de cette femme mal conseillée, dit le prédicateur ; ce n’est point une énumération à faire entendre aux oreilles de son serviteur dévoué. Mais il suffit de dire que cette malheureuse femme a rejeté plus d’offres de grâce, plus d’espérances de gloire, qu’on n’en ait jamais fait à une princesse sur la terre ; et, maintenant que son jour de prospérité est passé, elle est enfermée dans ce château solitaire pour le bien commun du peuple d’Écosse, et peut-être pour le salut de son âme.

— Révérend ministre, » dit Roland non sans un peu d’impatience, « je sais trop bien que mon infortunée maîtresse est emprisonnée, puisque j’ai le malheur de partager moi-même son isolement, ce qui, pour vous parler franchement, m’ennuie à la mort.

— C’est de cela même que je veux vous parler, » dit le chapelain avec douceur ; « mais d’abord, mon bon Roland, jetez les yeux sur l’aspect charmant de cette plaine cultivée qui s’étend devant nous. Vous voyez, où la fumée s’élève, ce village à moitié caché par les arbres, et vous savez que c’est le séjour de la paix et de l’industrie. D’espace en espace, vous voyez, sur les bords de la rivière qui le traverse, les tours grisâtres des barons, séparées par des chaumières, et vous savez qu’eux aussi vivent en paix dans leur ménage ; la lance est suspendue à la muraille et l’épée reste dans le fourreau. Vous voyez aussi plus d’une belle église où l’eau pure de la vie est offerte à la soif, et où la faim trouve une nourriture spirituelle. Que mériterait celui qui promènerait le fer et la flamme dans une contrée si belle et si heureuse, qu forcerait les gentilshommes à tirer leurs épées et à les tourner les