Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/279

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— Venez alors avec moi, Fleming, dit la reine, je ne veux pas affliger de jeunes cœurs par la vue de mes chagrins. »

Elle accompagna ces mots d’un regard de compassion qu’elle laissa tomber sur Roland et Catherine, qui restèrent seuls dans l’appartement.

Le page se trouva dans une position tant soit peu embarrassante ; car, comme le lecteur peut l’avoir éprouvé en pareille circonstance, il est très difficile de soutenir toute la dignité d’une personne offensée en présence d’une jeune fille charmante, quelque raison qu’on ait d’être fâché contre elle. Catherine Seyton, de son côté, était comme un fantôme qui, connaissant la terreur que sa présence inspire, est disposé à donner au pauvre mortel qu’il visite le temps de reprendre ses esprits et de se conformer aux grandes règles de la démonologie, en parlant le premier. Mais comme Roland ne semblait pas très-empressé de mettre à profit sa condescendance, elle fit les premiers pas et ouvrit elle-même la conversation.

« Je vous en prie, beau sire, si vous me permettez de troubler votre auguste réserve par une question aussi simple, qu’avez-vous fait de votre rosaire ?

— Il est perdu, madame, perdu depuis quelque temps, » répondit Roland à moitié indigné et moitié embarrassé.

« Et puis-je aussi vous demander, monsieur, continua Catherine, pourquoi vous ne l’avez pas remplacé par un autre ? J’ai presque envie, » dit-elle en tirant de sa poche un chapelet à grains d’ébène monté en or, « de vous en présenter un, et de vous l’offrir pour l’amour de moi, afin que vous vous rappeliez notre ancienne connaissance. »

Ce fut d’une voix un peu tremblante que ces paroles furent prononcées : elles firent évanouir le ressentiment de Roland, et ramenèrent aux côtés de Catherine ; mais la jeune fille reprit à l’instant ce ton fier et hardi qui lui était familier. « Je ne vous ai pas commandé, dit-elle, de venir vous asseoir à mes côtés, car cette connaissance dont je vous parle est froide et glacée, morte et enterrée depuis long-temps.

— À Dieu ne plaise ! s’écria le page : elle est seulement endormie, et maintenant que vous désirez qu’elle se réveille, belle Catherine, croyez que ce gage de la faveur que vous me rendez…

— Non, non, » dit Catherine en tirant le rosaire vers lequel Roland étendait la main en parlant ; « j’ai changé d’idée et la réflexion