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envoyés du conseil nous ont laissées, et qui les ait rappelés sans qu’ils se soumissent ou s’excusassent ? Quand il m’en coûterait la vie et la couronne, je n’ordonnerai jamais qu’ils reparaissent devant moi.

— Hélas ! madame, cette frivole formalité serait-elle un obstacle ? Si je vous ai bien comprise, vous n’êtes pas éloignée d’écouter un avis aussi sûr qu’avantageux. Mais vos scrupules sont sauvés, je les entends qui reviennent vous demander votre résolution définitive. Oh ! suivez l’avis du noble Seyton, et vous pourrez un jour commander à ceux qui usurpent aujourd’hui le pouvoir sur vous. Mais silence ! je les entends dans le vestibule. »

Comme il achevait de parler, George Douglas ouvrit la porte de l’appartement, et introduisit les deux envoyés.

« Nous venons, madame, dit lord Ruthven, pour vous demander votre réponse aux propositions du conseil.

— Votre réponse définitive, ajouta lord Lindesay : vous devez avoir la certitude que par un refus vous précipitez votre sort, et vous perdez la dernière occasion de faire la paix avec Dieu, et de vous assurer une plus longue vie ici-bas.

— Milord, » dit Marie avec une grâce et une dignité inexprimables, » nous devons céder à la nécessité. Je signerai ces parchemins avec autant de liberté et de volonté que ma condition le permet. Si j’étais de l’autre côté du lac, montée sur un vigoureux genet[1], entourée de dix chevaliers braves et loyaux, je signerais plutôt ma sentence de damnation éternelle que mon abdication du trône. Mais ici, dans le château de Lochleven, au milieu d’un lac profond, et avec vous, milords, auprès de moi, je n’ai pas la liberté du choix. Donnez-moi la plume, Melville, et soyez témoin de ce que je fais, et de la raison pour laquelle je le fais.

— Nous espérons que Votre Grâce ne se supposera contrainte par aucune appréhension de notre part, dit lord Ruthven, à exécuter ce qui ne doit être que l’acte de votre volonté. »

La reine s’était déjà inclinée sur la table, avait placé le parchemin devant elle, et tenait la plume entre ses doigts, prête à mettre sa signature. Mais quand lord Ruthven eut parlé, elle leva les yeux, s’arrêta tout court, et jeta la plume sur la table « Si l’on s’attend, dit-elle, à ce que je déclare céder ma couronne de ma libre volonté, et non comme forcée à y renoncer par les menaces

  1. Cheval d’Espagne. a. m.