Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/249

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fous tous ceux qui l’approchaient. Je ne prétends pas avoir été plus sage que les autres. Mais des favoris plus aimables, de meilleurs courtisans ont bientôt fait oublier mon hommage grossier, et je pense que Votre Grâce peut aussi se rappeler qu’à cette époque mes efforts maladroits pour prendre les manières qui vous plaisaient excitaient les rires de vos perroquets de cour, de vos quatre Marie et de vos dames françaises.

— Milord, si je vous ai offensé par ma folle gaieté, j’en ai du regret, dit la reine, et je puis déclarer seulement que ce fut sans intention. Vous êtes bien vengé ; car ma gaieté, » ajouta-t-elle avec un soupir, « n’offensera plus désormais personne.

— Nous perdons notre temps, madame, interrompit lord Ruthven ; je vous prie de nous donner votre décision sur l’importante question que je vous ai soumise.

— Quoi ! milord, » dit la reine, à l’instant, « sans un moment pour réfléchir ! Le conseil, comme les rebelles se nomment eux-mêmes, peut-il attendre cela de moi ?

— Madame, répliqua Ruthven, le conseil pense que, depuis la période fatale qui se passa entre la nuit où fut assassiné le roi Henry[1] et le jour de Carberry-Hill, Votre Grâce doit s’être tenue préparée à la mesure qu’il vous propose, comme le moyen le plus sûr d’échapper aux difficultés et aux dangers qui vous menacent.

— Grand Dieu ! s’écria la reine, et vous me proposez comme une faveur ce que tout roi chrétien doit regarder comme une perte d’honneur égale à la perte de la vie ! Vous m’enlevez mon pouvoir, ma couronne, mes sujets, mes richesses, mon royaume : et au nom de tous les saints, que pouvez-vous m’offrir, ou que m’offrez-vous en récompense de mon acquiescement ?

— Votre pardon, » répondit Ruthven d’une voix sévère. « Nous vous donnons une retraite et les moyens de passer le reste de votre vie dans la pénitence et dans la réclusion ; nous vous donnons le temps de faire votre paix avec le ciel ; de recevoir la sainte Écriture que vous avez toujours rejetée et persécutée. »

La reine devint pâle à la menace que semblaient indiquer ces

  1. Henri Darnley, époux de Marie Stuart, périt dans la nuit du 9 février 1567, La maison qu’il habitait sauta par l’effet d’une mine. La bataille de Carberry-Hill fut livrée le 5 juin de la même année. Marie fut défaite par ses sujets, révoltés contre son nouvel époux, Bothwell, et obligée de se mettre entre leurs mains. a. m.