Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/248

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tés les plus grandes pour assouvir votre haine, tirant la vengeance la plus terrible de l’offense la plus légère, ne tenant aucun compte de ces lois prudentes, établies par vos ancêtres pour réprimer de telles cruautés, vous révoltant contre l’autorité légitime, et vous conduisant comme s’il n’y avait point de roi en Écosse, ou plutôt comme si chacun de vous était roi dans ses terres. Et maintenant vous jetez le blâme sur moi, sur moi dont la vie a été abreuvée d’amertume, dont le sommeil a été interrompu, dont le bonheur a été brisé par vos dissensions ! N’ai-je pas été obligée de traverser en personne, à la tête de quelques serviteurs fidèles, les déserts et les montagnes pour maintenir la paix et détruire l’oppression ? N’ai-je point endossé une armure et porté des pistolets d’arçon à ma selle, contrainte de laisser de côté la retenue d’une femme et la dignité d’une reine, pour donner l’exemple à ceux qui me suivaient ?

— Nous convenons, madame, » dit rudement Lindesay, « que ces troubles, occasionés par votre mauvaise administration aient pu quelquefois vous faire tressaillir au milieu d’une mascarade ou d’une fête, qu’ils aient pu vous interrompre lorsque vous vous livriez à l’idolâtrie de la messe, ou que vous écoutiez les conseils jésuitiques de quelque ambassadeur français ; mais, si ma mémoire est bonne, le plus long et le plus pénible voyage que Votre Grâce ait jamais entrepris fut pour aller de Hawick au château de l’Ermitage ; si ce fut pour le bien de l’État ou pour votre propre honneur, je laisse à votre conscience le soin de le décider. »

La reine, tournant vers lui un de ces regards que Dieu lui avait donnés, comme pour montrer que les moyens les plus sûrs de gagner l’affection des hommes peuvent être vains quelquefois, et lui parlant avec un abandon et une douceur de voix inexprimables : « Lindesay, dit-elle, vous ne me parliez pas de ce ton sévère, vous ne m’adressiez pas ces railleries insultantes, ce beau soir d’été où nous tirâmes au blanc tous les deux contre le comte de Mar et Marie Livingstone, et où nous leur gagnâmes la collation du soir, dans le jardin privé de Saint-André. Le chevalier de Lindesay était alors mon ami, et il fit le serment de combattre pour moi. Comment j’ai pu offenser lord Lindesay, je l’ignore, à moins que les dignités n’aient changé sa conduite. »

Quelque dur que fût le cœur de Lindesay, il sembla frappé de cette interpellation inattendue ; mais il répliqua presqu’à l’instant : « Madame, il est bien connu que Votre Grâce pouvait alors rendre