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dant tel avait été l’effet de la présence de Marie, qu’il l’avait emporté, pour le moment, même sur les sentiments d’un jeune amant ; ce ne fut qu’après la disparition du groupe féminin que Roland commença à réfléchir sur les relations qui allaient probablement s’établir entre lui et la jeune fille.

« Elle a levé sa main d’un air de commandement, pensa t-il ; peut-être voulait-elle appuyer les ordres de la reine ; car je ne pense pas qu’elle voulût m’effrayer par la discipline administrée à la jaquette grise et au pauvre Adam Woodcock. Mais nous verrons cela bientôt ; maintenant, songeons à répondre à la confiance qu’a placée en moi cette reine infortunée. Lord Murray lui-même en conviendrait, je crois ; le devoir d’un page fidèle est d’empêcher qu’on ne pénètre dans l’appartement de sa maîtresse malgré elle. »

En conséquence il entra dans le petit vestibule, ferma, tant à la clef qu’au verrou, la porte qui donnait sur le grand escalier, et s’assit pour attendre le résultat. Il ne fut pas long-temps en repos. Une main vigoureuse essaya d’abord de lever brusquement le loquet, poussa ensuite et ébranla la porte avec violence, et comme elle résistait à toute tentative, une voix s’écria : « Ouvrez donc la porte, là-dedans !

— Et de quel droit, demanda le page, m’ordonne-t-on d’ouvrir la porte de la reine d’Écosse ? »

Une seconde tentative, qui fit retentir les gonds et les verrous, prouva que celui qui demandait impatiemment qu’on lui ouvrît serait entré volontiers, sans aucun égard à la demande du page ; enfin il répondit :

« Ouvrez la porte, à votre péril : lord Lindesay vient parler à lady Marie d’Écosse.

— Lord Lindesay, comme noble Écossais, répliqua le page, doit attendre le loisir de sa souveraine. »

Il s’ensuivit une altercation sérieuse parmi ceux qui attendaient à la porte, et Roland distingua la voix singulièrement rauque de Lindesay ; il répondait à sir Robert Melville, qui avait sans doute cherché à l’apaiser : « Non, non, non ! je vous dis que non ! je placerai un pétard sous la porte plutôt que d’être joué par une femme abandonnée et bravé par un insolent valet.

— Du moins, dit Melville, laissez-moi d’abord essayer les voies de douceur. La violence envers une dame déshonorerait à jamais votre écusson ; attendons l’arrivée de lord Ruthven.