Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/235

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je vous l’ordonne. N’appelez personne pour être témoin… je me trouve mieux… je vais me remettre à l’instant. » En effet, par un effort semblable à celui d’un être qui lutte contre la mort, elle s’assit sur son fauteuil, et tâcha de reprendre sa tranquillité d’esprit, quoique tous ses traits fussent encore agités de l’émotion violente de corps et d’esprit qu’elle venait d’éprouver. « Je suis honteuse de ma faiblesse, mes amies, » dit-elle en prenant la main de ses deux femmes ; « mais elle est passée, et je suis encore Marie Stuart. Le ton sauvage de cet homme… ce que je connais de son insolence… le nom qu’il a prononcé… le motif qui l’amène ici… tout cela peut excuser un moment de faiblesse ; mais elle ne durera qu’un instant. »

Elle arracha le bonnet qui lui couvrait la tête, et que son agitation avait mis en désordre, secoua les boucles épaisses de ses beaux cheveux noirs qui étaient voilés auparavant, et, passant ses doigts délicats à travers le labyrinthe qu’ils formaient, elle se leva, et, pareille à la statue d’une prêtresse grecque inspirée par la présence du dieu, elle resta dans une attitude qui peignait à la fois la douleur et l’orgueil, le sourire et les larmes : « Nous sommes mal préparée, dit-elle, à recevoir nos sujets rebelles ; mais autant que nous le pouvons, nous chercherons à nous présenter devant eux en reine. Suivez-moi, mes filles. Que dit ta ballade favorite ? ma Fleming :


Jeunes filles, dans mon boudoir
Tressez ma chevelure brune,
Et déployez votre savoir
En faisant dix boucles pour une.


Hélas ! ajouta-t-elle après avoir répété en souriant ces vers d’une vieille ballade, « la violence m’a déjà privée des ornements ordinaires de mon rang, et le petit nombre de ceux que la nature m’avait donné sont été détruits par les chagrins et les inquiétudes. » Cependant, tout en parlant ainsi, elle laissait errer ses doigts effilés dans l’épaisse forêt de ses beaux cheveux noirs qui voilaient son cou royal et son sein agité, comme si, dans l’agonie de son esprit, elle n’avait pas encore perdu le sentiment de ses charmes sans rivaux.

Tout ce qu’il y avait de noble et d’aimable dans une femme si belle et de si haute naissance, produisit un effet magique sur la jeunesse, l’inexpérience et l’enthousiasme naturel du jeune page. Il restait immobile de surprise et d’intérêt, brûlant de hasarder sa