Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/224

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fia de garder le pas, et de marcher tranquillement et en bon ordre, à moins qu’il ne désirât qu’on prît de ses mouvements hors de la ligne, une note qui probablement lui serait très-désagréable.

Cette censure et la contrainte à laquelle Roland se trouva obligé rappelèrent à son souvenir son guide, son compagnon Adam Woodcock, toujours accommodant, toujours de bonne humeur. De ce point de départ, son imagination fit une rapide excursion jusqu’au château d’Avenel, à la vie libre et paisible des habitants, à la bonté de la protectrice de son enfance, n’oubliant pas les hôtes des écuries, des chenils et de la fauconnerie. Mais tous ces sujets de méditation firent bientôt place au souvenir de Catherine Seyton, de cette énigme vivante, qui se présentait à son esprit, tantôt sous ses formes féminines, tantôt sous ses vêtements de page, tantôt sous les deux à la fois : tel un songe fantastique nous offre au même instant le même individu sous deux caractères différents. Le don mystérieux qu’il en avait reçu revint aussi à sa mémoire : cette épée qu’il portait alors à son côté, et qu’il ne devait tirer du fourreau que par l’ordre de sa souveraine légitime. Mais il était probable qu’il allait trouver la clef de ce mystère à la fin de son voyage.

Comme de pareilles idées passaient dans son esprit, Roland Græme, avec la troupe de lord Lindesay, arriva sur les bords du Queen’s-Ferry : ils le traversèrent dans des bateaux qu’on tenait prêts à les recevoir. La seule aventure qui leur survint dans ce passage fut qu’un de leurs chevaux s’estropia en entrant dans le bateau, accident qui n’était pas rare alors, et qui n’a cessé que depuis quelques années, le passage ayant été rendu plus facile. Mais un fait qui caractérise plus particulièrement ces temps reculés, c’est qu’on fit feu sur la cavalcade, d’une couleuvrine placée sur les créneaux du vieux château de Rosythe, situé au nord de ce lac, château dont le seigneur, se trouvant avoir quelque querelle publique ou privée avec lord Lindesay, employait cette manière d’exprimer son ressentiment. L’insulte cependant n’ayant eu aucun résultat fâcheux, resta sans vengeance, et nul événement digne de remarque n’eut lieu jusqu’à ce que la troupe fût arrivée à l’endroit où le Lochleven étendait ses magnifiques nappes d’eau aux rayons d’un brillant soleil.

Un antique château, qui occupe une île située presque au centre de ce lac, rappela au page le manoir d’Avenel où il avait été élevé. Mais ce lac était beaucoup plus considérable, et par-