Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/222

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quoiqu’il ne parût pas avoir plus de quarante-cinq à cinquante ans. Son ton de voix était doux et insinuant ; sa taille mince et maigre s’était courbée par habitude. Sa figure pâle exprimait la finesse et l’intelligence ; son œil était vif, quoique plein de douceur, et toutes ses manières étaient gracieuses. Il montait un petit cheval habitué à l’amble, tels que ceux dont se servaient ordinairement les dames, les ecclésiastiques et les hommes livrés à des professions paisibles. Il portait un habit de cavalier en velours noir, avec une toque et une plume de même couleur, attachée avec un médaillon d’or : enfin, par pure ostentation, et comme une marque de son rang plutôt que pour en faire usage, il avait au côté une épée de ville, rapière courte et légère, sans aucune autre arme offensive ou défensive.

La cavalcade avait quitté la ville, et s’avançait d’un pas ferme vers l’ouest. À mesure qu’elle poursuivait sa route, Roland aurait été charmé d’apprendre quelque chose de précis concernant le but de ce voyage ; mais l’air du personnage près duquel on l’avait placé dans le cortège lui ôta tout désir de familiarité. Le baron lui-même ne paraissait pas plus farouche et plus inaccessible que ne l’était son fidèle Edward : ce silencieux personnage avait une barbe grise qui lui tombait sur la bouche, telle que la herse devant la porte d’un château, comme pour empêcher qu’aucun mot ne s’en échappât sans nécessité absolue. Le reste de la troupe semblait sous la même influence de taciturnité, et marchait sans échanger un seul mot, ressemblant plutôt à une compagnie de chartreux qu’à une troupe de serviteurs militaires. Roland Græme fut surpris d’une discipline aussi sévère, car même dans la maison du chevalier d’Avenel, distinguée par l’exactitude du décorum, une marche était une époque de liberté où il était loisible de plaisanter, de chanter, en un mot de faire tout ce qui ne dépassait pas les bornes d’une gaieté convenable. Ce silence extraordinaire fut cependant agréable sous un rapport à notre jeune héros ; car il lui donna le temps de concentrer toutes les forces de son jugement pour examiner sa situation, qui, aux yeux de toute personne raisonnable, aurait paru des plus dangereuses et des plus embarrassantes.

Il était tout à fait évident que, par suite de plusieurs circonstances indépendantes de sa volonté, Roland avait formé des liaisons avec chacune des deux factions ennemies dont les querelles troublaient le royaume, bien qu’il ne fût, à proprement parler,