Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/221

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respectable, et le seul de la compagnie qui parût au-dessus du rang de domestique, il fit observer qu’ils devaient monter à cheval à la hâte.

Pendant ce discours, et tandis qu’ils traversaient la rue du faubourg, Roland eut le temps d’examiner plus exactement les regards et la figure du baron, qui était à leur tête. Lord Lindesay de Byres n’avait encore que faiblement senti le poids des ans ; sa taille droite et ses membres robustes prouvaient qu’il était encore en état de soutenir tous les travaux et toutes les fatigues de la guerre ; ses sourcils épais, grisonnant en partie, s’abaissaient sur des yeux grands et pleins d’un feu sombre, que rendait plus sombre encore la profondeur de leur cavité ; ses traits, naturellement prononcés et durs, étaient rendus plus rudes par une ou deux cicatrices qu’il avait reçues à la guerre. Ces traits, qui semblaient faits pour exprimer de fortes passions, étaient ombragés par un casque d’acier sans visière, sur le gorgerin duquel tombait la barbe noire et grisonnante du vieux baron, et qui cachait entièrement la partie inférieure de sa figure. Le reste de son habillement était un justaucorps de buffle, peu serré, qui avait été autrefois doublé de soie et orné de broderies, mais qui paraissait très fatigué par les voyages, et endommagé par des entailles qu’il avait sans doute reçues dans les combats ; ce vêtement couvrait un corselet d’acier jadis poli et bien doré, mais maintenant attaqué par la rouille. Une épée, de forme antique, et d’une longueur peu commune, faite pour être maniée des deux mains, espèce d’arme qui commençait alors à n’être plus en usage, était attachée à son baudrier, et disposée de manière à longer toute sa personne, de sorte que l’énorme poignée de l’arme s’élevait au-dessus de son épaule gauche, et que la pointe, atteignant de bien près le talon droit, frappait son éperon lorsqu’il marchait. Cette arme pesante ne pouvait être dégainée qu’en élevant la poignée au-dessus de l’épaule gauche par le moyen de la lame elle-même, car aucun bras humain n’était assez long pour la tirer de la manière ordinaire. Tout l’équipement de lord Lindesay était celui d’un soldat grossier, négligeant son extérieur comme un sombre misanthrope. Son ton bref, dur et hautain envers ses subordonnés, appartenait à ce même caractère de rudesse.

Le personnage qui marchait avec lord Lindesay, à la tête de la troupe, offrait un contraste frappant par ses manières, son air et ses traits. Ses cheveux fins comme la soie étaient déjà blancs,