Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/216

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comporter dans le monde de manière à ce qu’elle n’eût pas à rougir de la protection généreuse qu’elle avait accordée à l’orphelin.

Le fauconnier embrassa son jeune ami, monta sur le cheval vigoureux que le domestique qui l’avait accompagné tenait prêt à la porte, et prit la route du sud. Les pas du cheval formaient un son triste et monotone qui semblait indiquer le chagrin du brave homme qui le montait, et chaque pas retentissait pour ainsi dire, dans le cœur de Roland, à mesure qu’il entendait son compagnon s’éloigner avec si peu de sa vivacité ordinaire, et qu’il se sentait encore une fois seul sur le théâtre du monde.

Il fut tiré de sa rêverie par Michel-l’Aile-au-Vent, qui lui rappela qu’il était urgent de retourner au palais, le régent devant se rendre à la cour des Sessions de bonne heure dans la matinée. Ils y allèrent donc ; et Michel, vieux domestique favori, qui était admis dans l’intimité du régent, et plus près de sa personne que bien des gens dont les postes étaient plus élevés, introduisit bientôt Græme dans une petite chambre revêtue de nattes, où il eut une audience du chef qui dirigeait alors les destinées de la malheureuse Écosse. Le comte de Murray était en robe de chambre de couleur sombre, avec une toque et des pantoufles du même drap ; mais dans ce déshabillé même il tenait à la main son épée dans son fourreau, précaution qu’il adoptait lorsqu’il recevait des étrangers, plutôt par déférence pour les sérieuses remontrances de ses amis et de ses partisans que par crainte pour sa personne. Il répondit silencieusement par un signe de tête au salut respectueux du page, et sans parler fit un tour ou deux dans la chambre, en fixant son œil pénétrant sur Roland, comme s’il eût désiré lire dans son âme. Enfin il rompit le silence. « Votre nom est, je crois, Julien Græme ?

— Roland Græme, milord, et non pas Julien.

— C’est juste, j’étais trompé par ma mémoire ; Roland Græme du territoire contesté. Roland, vous connaissez les devoirs qui concernent le service d’une dame.

— Je devrais les connaître, milord, ayant été élevé sous les yeux de lady Avenel ; mais je me flatte de ne plus avoir à les remplir, le chevalier d’Avenel m’ayant promis…

— Silence, jeune homme interrompit le régent ; c’est à moi de parler, à vous d’entendre et d’obéir. Il est nécessaire, au moins pour quelque temps, que vous entriez derechef au service d’une dame, qui, par son rang, n’a pas d’égale eu Écosse : ce service