Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/214

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— Miséricorde ! s’écria le fauconnier, Roland Græme rester ici, et moi retourner à Avenel ! mais cela ne peut être ! ce jeune homme ne peut se diriger sans moi dans cette ville immense ; je le demande, obéira-t-il à un autre sifflet que le mien ; quelquefois je puis à peine l’amener à mon leurre. »

Roland se sentait plus d’une observation maligne au bout de la langue, concernant la nécessité où ils étaient de s’aider mutuellement ; mais l’inquiétude réelle que témoignait Adam à la seule pensée de le quitter, lui ôta toute envie de faire une raillerie peu reconnaissante. Cependant le fauconnier n’échappa pas tout à fait ; car, en se tournant vers la croisée, son ami Michel aperçu à la dérobée son visage, et il s’écria : « Mais, mon cher Adam, qu’avez-vous donc fait de vos yeux ? ils sont enflés au point qu’il vous sortent de la tête.

— Ce n’est rien, » dit-il après avoir jeté un regard suppliant sur Roland ; « voilà ce qu’on gagne à dormir sur un maudit grabat sans oreiller.

— Ma foi ! Adam, vous êtes devenu étrangement délicat ; je vous ai vu dormir toute la nuit sans autre oreiller qu’un buisson de bruyère, et vous réveiller avec le soleil, aussi agile qu’un faucon. Mais aujourd’hui vos yeux ressemblent à…

— Qu’importe, mon ami, à quoi ils ressemblent ? qu’on me fasse rôtir une pomme, versons dessus un pot d’ale, pour nous arroser le gosier, et vous verrez du changement chez moi.

— Et vous chanterez votre charmante ballade sur le pape.

— Oui, je le veux bien… c’est-à-dire quand nous aurons laissé cette ville paisible à la distance de cinq ou six milles derrière nous si vous voulez prendre votre cheval et me conduire jusque-là.

— Non, je ne le puis. Je n’ai que le temps de partager avec vous le coup du matin, et de vous voir à cheval. Je vais donner ordre qu’on selle votre monture, et qu’on vous fasse cuire une pomme sans perdre de temps. »

Pendant son absence, le fauconnier prit le page par la main : Puissé-je ne jamais chaperonner un faucon, lui dit le bon Adam si je ne suis pas chagrin de me séparer de vous tout comme si vous étiez mon propre enfant, vous demandant pardon de la liberté. Je ne puis vous dire ce qui fait que je vous aime tant, si ce n’est la même raison qui me faisait aimer ce diable de petit cheval noir vicieux que milord avait appelé Satan, nom que M. Warden changea en celui de Seyton ; car, disait-il, il est plus