Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/209

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étaient dans un état d’extrême irritation. Pour lui rendre justice, je dois dire qu’il s’aperçut de son erreur, et s’arrêta tout court dès qu’il vit que le mot de pape avait subitement interrompu les entretiens particuliers des différents groupes assemblés dans la salle, et que plusieurs commençaient à se lever, à prendre un air hostile, et se préparaient à s’immiscer dans la querelle qu’ils prévoyaient, tandis que les autres, plus prudents et plus sages, se hâtaient de payer leur écot, et se disposaient à quitter la salle avant que l’effet suivît ces symptômes précurseurs.

Il y avait apparence que le tumulte aurait lieu ; car la chanson de Woodcock n’eut pas plus tôt frappé l’oreille du jeune étranger, que levant sa houssine, il s’écria : « Celui qui parle du Saint-Père devant moi avec irrévérence est le fruit d’une chienne d’hérétique, et je le traiterai comme un roquet hargneux.

— Et moi je briserai ta jeune tête, dit Adam, si tu oses seulement lever sur moi un petit doigt ! » Et en même temps, comme pour défier les menaces du jeune page, il recommença la stance avec chaleur et d’une voix ferme :

Le pape voulait nous instruire ;
Mais on lui répond aujourd’hui :
Un aveugle…

Mais Adam ne put aller plus loin, étant lui-même malheureusement aveuglé par un coup de houssine que l’impatient jeune homme lui cingla sur les yeux. Furieux du coup et de l’insulte, le fauconnier tressaillit, et, tout aveuglé qu’il était, car ses yeux pleurèrent trop vite pour lui permettre de voir quelque chose, il aurait aussitôt mis la main sur son insolent adversaire ; mais Roland, contre son caractère, jouant pour cette fois le rôle d’homme prudent et de pacificateur, se jeta entre eux, en implorant la patience de Woodcock. « Vous ne savez, lui dit-il, à qui vous avez affaire. Et vous, » s’adressant au messager, lequel riait avec dédain de la rage d’Adam, « qui que vous soyez, retirez-vous : si vous êtes ce que je conjecture, vous savez qu’il y a de sérieuses raisons pour que vous ne restiez point davantage.

— Pour cette fois, Branche-de-Houx, s’écria le jeune messager, vous avez atteint juste, quoique vous ayez tiré au hasard. Holà ; l’hôte, donnez une pinte de vin à ce vieux bonhomme pour qu’il se lave les yeux. Voici une couronne française pour lui. »

À ces mots, ayant jeté une pièce d’argent sur la table, il quitta promptement la salle d’un pas assuré, regardant hardiment à