Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/201

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troubler personne, et n’être en effet remarqués que de ceux qui composaient le groupe auquel appartenait l’orateur. Le fauconnier traversa l’appartement et se retira dans l’embrasure d’une fenêtre qui formait une espèce de retraite : s’y étant caché avec son compagnon, il demanda quelques rafraîchissements. Après qu’il eut crié pour la vingtième fois, un garçon lui servit les restes d’un chapon froid et une langue de bœuf, avec un flacon de vin ordinaire de France. « Donnez-moi en outre un pot de brandevin. Nous ferons ce soir une petite débauche, monsieur Roland, » dit-il quand il se vit établi devant cette collation ; « et nargue du souci jusqu’à demain ! »

Mais il y avait trop peu de temps que Roland avait dîné pour faire honneur à une si bonne chère. Sentant sa curiosité plus vive que son appétit, il préféra regarder par la croisée qui donnait sur une vaste cour entourée des écuries de l’hôtellerie. Il satisfaisait ses yeux du spectacle animé qui s’offrait à ses regards, tandis que Woodcock, après avoir comparé son compagnon aux oies du laird de Macfarlane, qui aimaient mieux jouer que de manger, employa son temps à boire et à manger, en bourdonnant parfois le refrain de la ballade qu’il n’avait pu finir, et en battant la mesure de ses doigts sur la petite table ronde. Il était souvent interrompu dans cet exercice par les exclamations qui échappaient à Roland, lorsque celui-ci voyait dans la cour quelque chose d’intéressant pour lui. La scène était bruyante, car les seigneurs et les gentilshommes, qui étaient alors en foule à Édimbourg, occupaient pour leurs chevaux toutes les écuries de réserve, et pour leurs serviteurs militaires toutes les auberges et les tavernes. On voyait dans la cour une multitude de valets étrillant leurs chevaux et ceux de leurs maîtres, sifflant, chantant, riant et se lançant mutuellement des sarcasmes qui, grâce à la sévère discipline du château d’Avenel, paraissaient à Roland fort étranges et presque inintelligibles ; d’autres réparaient leurs armes et nettoyaient celles de leurs seigneurs. Un homme qui venait d’acheter un faisceau d’une vingtaine de lances, était occupé dans un coin à peindre les bois de ces armes en jaune et en vermillon. D’autres domestiques conduisaient en laisse des lévriers ou des chiens-loups de noble race, muselés avec soin, pour épargner des accidents aux passants. Tous allaient et venaient, se mêlaient ensemble, se séparaient sous les yeux enchantés du page, dont l’imagination n’avait pas même conçu une scène où les objets qu’il avait le plus de plaisir