Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sitôt fit honneur au flacon, et vida presque d’un seul coup la mesure. Ayant repris haleine et essuyé la mousse restée sur ses moustaches, il observa que les inquiétudes que lui avait causées son jeune compagnon lui avaient furieusement desséché le gosier, « Eh bien, redoublez, » dit son hôte en remplissant le flacon avec une cruche qui était près de lui. « Je connais le chemin de l’office. Mais à présent faites attention à ce que je vous dis. Ce matin le comte de Morton est venu trouver milord dans une colère terrible.

— Quoi ! ils entretiennent donc leur vieille amitié ? dit Woodcock.

— Oui, oui, mon ami. Pourquoi non ? dit Michel, il faut bien qu’une main gratte l’autre[1]. Mais milord Morton était de très-mauvaise humeur, et, pour vous dire la vérité, il est, dans ces occasions, dangereux comme un démon. Il dit à milord, car j’étais dans la chambre, où je prenais des ordres relativement à une couple de faucons qu’il faut aller chercher à d’Arnoway, et qui valent bien vos faucons à longues ailes, l’ami Adam.

— Je le croirai quand je les verrai s’élever aussi haut, » répliqua Woodcock, toujours jaloux de sa profession.

« Quoi qu’il en soit, poursuivit Michel, milord Morton, dans sa colère, demanda à milord le régent si lui, Morton, était traité suivant ses mérites. « Mon frère, dit-il, aurait dû avoir sa nomination en qualité de commanditaire de Kennaquhair, et tous les domaines de l’abbaye auraient dû être érigés, à son bénéfice, en une seigneurie relevant du roi. Cependant ces perfides moines ont eu l’insolence de choisir un nouvel abbé pour opposer ses prétentions aux droits de mon frère : de plus, les coquins de vassaux du voisinage ont brûlé et pillé tout ce qui restait dans l’abbaye, de sorte que mon frère n’aura pas une maison qu’il puisse habiter lorsqu’il aura chassé ces chiens de prêtres fainéants. » Milord, le voyant ainsi irrité, lui répondit avec douceur : « Ce sont de tristes nouvelles, Douglas ; mais j’espère qu’elles sont fausses. Halbert Glendinning est parti hier pour le Sud, avec une troupe de lanciers, et assurément, si l’un ou l’autre de ces incidents s’était présenté, que les moines eussent osé nommer un abbé, ou que l’abbaye eût été brûlée comme vous le dites, il au-

  1. One hand must scratch the other, proverbe qui répond à : « Il faut s’aider les uns les autres. » a. m.