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peine quelques heures. C’est un sujet que je livre à vos réflexions.

— Sur ma parole, Adam, je respecte votre avis ; je vous promets de le suivre aussi fidèlement que si j’étais en apprentissage chez vous pour étudier l’art de me conduire avec sagesse et sûreté dans les nouveaux sentiers de la vie où je vais m’engager.

— Vous ferez bien. Je ne vous en veux pas, monsieur Roland, pour avoir un grain de courage de trop, parce que je sais qu’on peut amener à la main un faucon sauvage, et qu’on ne le peut faire d’une poule de fumier. Ainsi, entre deux défauts, vous avez le moindre de votre côté. Mais, outre votre goût particulier pour les querelles et votre ardeur à mettre flamberge au vent, vous avez aussi, mon cher monsieur Roland, l’habitude de lorgner chaque femme sous son voile ou sous sa gaze, comme si vous vous attendiez à retrouver une ancienne connaissance. Si vous veniez à en découvrir une, j’en serais aussi surpris (sachant combien peu de ces oiseaux sauvages vous avez vus jusqu’ici), que je l’ai été tout à l’heure de vous voir prendre un si haut intérêt pour les Seyton.

— Fi donc ! Adam, je cherchais seulement à voir quels yeux ces gentils faucons dérobent sous leurs chaperons.

— Oui, c’est un dangereux sujet de curiosité ; vous feriez mieux de présenter votre poing à un aigle pour l’engager à venir s’y percher. Voyez-vous, monsieur Roland, on ne peut chasser sans danger ces jolies oies sauvages. Elles ont autant de détours, de ruses et de faux-fuyants que le gibier le plus fin que jamais faucon ait poursuivi. D’ailleurs, chacune de ces dames est accompagnée de son mari, ou de son tendre ami, ou de son frère, ou de son cousin, ou au moins de son écuyer fidèle. Mais vous ne m’écoutez pas, monsieur Roland, quoique je sois en état de vous faire connaître parfaitement le gibier. Vos yeux sont fixés sur cette jolie demoiselle qui descend la rue devant nous délicatement. Par ma foi ! je garantis qu’elle figurerait bien dans un bal ou dans une fête. Une paire de sonnettes mauresques en argent conviendrait aussi bien à ces jolies petites jambes que des grelots aux pattes du plus beau faucon de Norwège.

— Vous êtes fou, Adam, et je ne me soucie guère ni de la jeune fille, ni de ses jambes. Mais, que diable ! il faut regarder quelque chose.

— C’est vrai, maître Roland ; mais je vous prie de mieux choisir vos objets. Voyez, à peine y a-t-il dans la rue une seule femme portant un voile de soie, qui ne soit, comme je vous le disais tout