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Les deux frères se séparèrent avec bien du regret, et pourtant chacun, inébranlable dans son opinion, éprouvait quelque soulagement par l’absence d’une personne qu’il respectait tant, mais avec laquelle il s’accordait si peu.

L’instant d’après, on entendit les trompettes du chevalier d’Avenel, et l’abbé monta sur une tour. Du haut de ce bâtiment à demi ruiné, il pouvait voir les cavaliers gravir une colline située dans la direction du pont-levis. Pendant qu’il les considérait, Madeleine Græme vint se placer à son côté.

« Vous êtes venue, lui dit-il, jeter un dernier regard sur votre petit-fils, ma sœur. Le voilà confié à la garde du meilleur chevalier de l’Écosse, la foi exceptée !

— Vous pouvez porter témoignage, mon frère, que ce ne fut ni mon désir, ni celui de Roland qui porta le chevalier d’Avenel, comme on l’appelle, à reprendre mon petit-fils dans sa maison. Le ciel, qui confond les sages par leurs propres ruses, l’a placé où je souhaitais qu’il fût pour le bien de l’Église.

— Je ne vous comprends pas, ma sœur, répondit l’abbé.

— Révérend père, répliqua Madeleine, n’avez-vous jamais entendu dire qu’il y a des esprits qui font tomber les murs d’un château, une fois qu’ils y sont admis, mais qui n’y peuvent pénétrer à moins qu’on ne les y invite, qu’on ne les force même à passer le seuil de la porte. Deux fois Roland Græme a été ainsi attiré dans la maison d’Avenel par ceux qui maintenant en portent le titre. Qu’ils attendent la suite. »

En parlant ainsi, elle quitta la tour. L’abbé, après avoir réfléchi un moment sur ces paroles, qu’il attribuait au désordre d’esprit de la pèlerine, descendit l’escalier tortueux pour aller célébrer sa promotion, non par des festins et des actions de grâces, mais par le jeûne et les prières.