Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/153

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tez pas cette maison que je dois maintenant appeler la mienne, jusqu’à ce que j’en sois chassé par la force, avant d’avoir rompu au moins le pain avec moi. »

À cet instant, le pauvre frère lai, celui qui remplissait les fonctions de portier, entra dans l’appartement, portant quelques rafraîchissements fort simples et un flacon de vin. « Il avait trouvé cela, » dit-il avec une humilité officieuse, en furetant dans tous les coins du cellier, »

Le chevalier remplit une petite coupe d’argent, et l’ayant vidée, il invita l’abbé à lui faire raison, observant que le vin était du Baccarach[1] du meilleur cru, et très-vieux.

« En effet, ajouta le frère lai, il vient du coin que le vieux frère Nicolas (que son âme soit en paix !) appelait ordinairement le coin de l’abbé Ingelram ; et l’abbé Ingelram avait été élevé au couvent de Wustzbourg, ville qui n’est pas loin, à ce que j’ai entendu dire, du lieu où l’on récolte cet excellent vin.

— Fort bien, mon révérend père, dit sir Halbert ; et c’est pour cela que j’invite mon frère et vous à me faire raison, avec une coupe de cette liqueur orthodoxe.

Le vieux et maigre portier lança sur l’abbé un regard suppliant. Do veniam, répondit le supérieur ; et le vieillard saisit d’une main tremblante le breuvage auquel depuis long-temps il n’était plus accoutumé, vida la coupe lentement et avec délices, comme pour en savourer le plus long-temps possible la saveur et le bouquet, et la remit sur la table avec un sourire mélancolique et en secouant la tête, comme s’il disait adieu pour jamais à cette liqueur exquise. Les deux frères sourirent. Mais quand sir Halbert invita l’abbé à prendre la coupe, et à lui faire raison, l’abbé secoua la tête, et lui répondit : « Ce n’est pas le jour pour l’abbé de sainte-Marie de manger des mets délicats, et de boire des vins exquis. C’est avec de l’eau du puits de Notre-Dame, » ajouta-t-il en remplissant une coupe de cette liqueur limpide, « que je vous souhaite, mon frère, toutes sortes de prospérités ; et, par-dessus tout, le bonheur de reconnaître vos erreurs spirituelles.

— Et moi, mon cher Édouard, répliqua Glendinning, je vous souhaite le libre exercice de votre raison : puissiez-vous remplir des devoirs plus importants que ceux qui sont attachés au misérable titre que vous avez si témérairement accepté aujourd’hui ! »

  1. Petite ville sur le Rhin. a. m.