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les deux Églises peuvent se les partager et en avoir encore de reste. » En parlant ainsi, il se mit à une des fenêtres de l’appartement et sonna d’un petit cor qu’il portait en sautoir.

« Demandez-vous déjà votre cheval ? mon frère, lui dit l’abbé ; nous n’avons passé que quelques minutes ensemble.

— Hélas ! reprit sir Halbert, et ces quelques minutes ont été troublées par des querelles. Oui, mon frère, je demande mon cheval. Il faut, pour prévenir les conséquences de votre témérité d’aujourd’hui, déployer de l’activité. Dame Madeleine, avertissez, s’il vous plaît, votre jeune parent que nous montons à cheval à l’instant. Je ne compte pas l’emmener au château avec moi : cela donnerait lieu à de nouvelles querelles entre lui et mes gens, ou au moins à des railleries qui blesseraient sa fierté, et mon désir est de lui éviter tout désagrément. Il doit se rendre à Édimbourg avec un homme de ma suite que j’y envoie porter la nouvelle de ce qui s’est passé ici. Ceci paraît vous réjouir ? » ajouta-t-il en jetant des yeux perçants sur Madeleine Græme, qui le regarda d’un air calme et indifférent.

« J’aimerais mieux, dit-elle, que Roland Græme, orphelin sans fortune et sans amis, fût exposé aux railleries de l’univers entier qu’à celles des domestiques du château d’Avenel.

— Ne craignez rien, répondit le chevalier, il ne sera méprisé nulle part.

— Cela se peut, répliqua-t-elle, cela se peut bien. Mais j’ai plus de confiance dans sa propre conduite que dans votre protection. » En prononçant ces mots, elle se retira.

Le chevalier la suivit des yeux, pendant qu’elle s’éloignait ; mais se tournant tout à coup vers son frère, il lui exprima, dans les termes les plus affectueux, ses vœux pour sa prospérité et son bien-être, et lui demanda la permission de le quitter. « Ces coquins, dit-il, sont trop occupés au cabaret pour que le faible son d’un cor de chasse les arrache à leur divertissement.

— Halbert, répondit l’abbé, vous les avez affranchis du lien le plus solide, et vous leur avez appris à vous désobéir.

— Ne craignez rien, Édouard, » s’écria Halbert qui ne donnait jamais à l’abbé son nom monastique d’Ambroise. « Ceux qu’on affranchit d’une contrainte servile s’acquittent plus fidèlement que tous les autres de leurs véritables devoirs. »

Il se tournait pour partir, quand l’abbé lui dit : « Ne partez pas, mon frère : on apporte quelques rafraîchissements. Ne quit-