Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/61

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grâce me dise s’il est juste et raisonnable de punir quelqu’un pour les fautes d’un autre ?

— Non sans doute, imbécile, répondit Cedric.

— Alors, mon oncle, pourquoi faire enchaîner ce pauvre diable de Gurth, pour la faute commise par son chien Fangs ? Car je puis vous jurer que nous n’avons pas perdu une minute après avoir eu rassemblé le troupeau, mais Fangs n’a pu le gouverner que vers l’instant où la cloche des vêpres s’est fait entendre.

— Alors, dit Cedric, se retournant vers le porcher, si Fangs est coupable il faut le pendre, et trouver un autre chien.

— Avec votre permission, mon oncle, dit le bouffon, cela ne serait pas encore tout-à-fait conforme à une rigoureuse justice ; car aucune faute n’a été commise par Fangs, qui, étant boiteux, n’a pu rassembler le troupeau ; les vrais coupables, ce sont ceux qui ont arraché à cette pauvre bête ses deux griffes de devant, opération pour laquelle, si l’animal avait été consulté, j’ai peine à croire qu’il eût donné sa voix.

— Et qui a osé estropier un animal appartenant à un de mes vassaux ? dit le Saxon enflammé de colère.

— C’est le vieux Hubert, dit Wamba, garde-chasse de sir Philippe de Malvoisin. Il a surpris Fangs errant dans la forêt, et il a prétendu, en sa qualité de gardien, que l’animal chassait le daim, contrairement aux droits de son maître.

— Que le diable emporte Malvoisin et son garde ! répondit le Saxon ; je leur prouverai, aux termes de la grande charte des forêts, que ce bois-là n’est pas compris dans les bois privilégiés. Mais c’en est assez, va prendre ta place. Et toi, Gurth, cherche un autre chien, et si le garde ose toucher à sa peau, je briserai ses armes, et que je sois maudit comme un lâche si je ne lui coupe l’index de la main droite, pour lui apprendre à tirer de l’arc une autre fois. J’implore votre pardon, mes dignes hôtes. Je suis entouré ici de voisins que je puis comparer à vos infidèles de la Terre Sainte, seigneur chevalier. Mais le repas ordinaire du soir est servi ; veuillez commencer, et puisse l’accueil empressé que je vous fais, devenir une sorte de compensation au modeste repas que vous allez prendre ! »

Telle était cependant la somptuosité du festin, que le seigneur du manoir n’avait nullement besoin de réclamer l’indulgence de ses hôtes. De la viande de porc, préparée de diverses manières, garnissait la partie inférieure de la table ; on y remarquait aussi des