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terre est orgueilleux, querelleur, ami des troubles, et toujours prêt à s’armer du glaive pour le plonger dans le cœur de son voisin. Ce pays n’est pas un sûr asile pour les enfants d’Abraham : Éphraïm est une colombe timide ; Issachar, un serviteur trop accablé de travaux et de peines. Ce n’est point dans un pays déchiré par les factions intérieures, dans un pays où il est environné d’ennemis, qu’Israël peut espérer le repos, après avoir été errant et dispersé depuis tant de siècles.

— Mais vous, jeune fille, vous n’avez rien à craindre en restant au milieu de nous. Celle qui a sauvé les jours d’Ivanhoe n’a rien à redouter en Angleterre : Saxons et Normands se disputeront l’honneur de la protéger.

— Ce discours est flatteur, noble dame, et votre proposition plus flatteuse encore. Mais je ne puis l’accepter. Un abîme immense est ouvert entre nous ; notre éducation, notre foi, tout s’oppose à ce qu’il soit comblé. Adieu. Mais avant que je vous quitte, accordez-moi une grâce : levez ce voile, qui me dérobe vos traits dont la renommée parle avec tant d’éloges.

— Ils ne méritent pas d’arrêter les regards, dit Rowena ; mais, en vous demandant la même faveur, je me découvrirai devant vous. »

Elle souleva son voile, et, soit par timidité, soit par le sentiment intime de sa beauté, la jeune princesse rougit, et cette rougeur se manifesta à la fois sur ses joues, sur son front, sur son cou et sur son sein. Rébecca rougit aussi, mais sa rougeur ne dura qu’un instant ; et maîtrisée par de plus fortes émotions, cette sensation s’évanouit comme le nuage pourpré qui change de couleur quand le soleil descend sous l’horizon.

« Noble dame, dit-elle à lady Rowena, les traits que vous avez daigné me montrer resteront long-temps gravés dans ma mémoire. La douceur et la bonté y règnent ; et si une teinte de la fierté du monde ou de ses vanités s’y joint à une expression si aimable, comment pourrait-on se plaindre que ce qui est de terre conserve quelques traces de son origine ? Long-temps, oui longtemps je me rappellerai vos traits, et je bénis le ciel de laisser mon digne libérateur uni à… » Elle n’en put dire davantage, et ses yeux se remplirent de larmes qu’elle se hâta d’essuyer. Lady Rowena lui ayant demandé avec une touchante expression de bonté si elle se trouvait mal, elle lui répondit :

« Non, noble dame, mais mon cœur se gonfle lorsque je songe à