Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/472

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le démon, en jetant un sort fatal sur une créature aussi intéressante, en eût fait un vase d’opprobre et de perdition.

Une foule d’hommes attachés au service de la commanderie suivaient la victime, marchant dans le plus grand ordre, les bras croisés sur la poitrine et les yeux tournés vers la terre.

Cette procession s’avança lentement vers l’éminence au pied de laquelle s’étendait le champ clos, dont elle fit le tour de droite à gauche ; après en avoir garni l’enceinte, elle s’arrêta. Alors le grand-maître mit pied à terre ainsi que toute sa suite, à l’exception du champion et de ses parrains, et leurs écuyers, prenant leurs chevaux par la bride, les emmenèrent hors de la lice.

L’infortunée Rébecca fut conduite vers un siège peint en noir qui était placé près du bûcher. Au premier regard qu’elle jeta sur les apprêts effrayants d’une mort aussi épouvantable pour l’âme que douloureuse pour le corps, on la vit tressaillir et fermer les yeux, priant sans doute intérieurement, car elle remuait les lèvres quoiqu’on n’entendît aucune parole. Au bout d’une minute elle ouvrit les yeux, les fixa sur le bûcher, comme pour familiariser son esprit avec cet objet terrible, et détourna lentement la tête.

Cependant le grand-maître s’était assis sur son trône ; et lorsque les chevaliers de l’ordre se furent placés à ses côtés ou derrière lui, chacun selon son rang, le son aigu et prolongé des trompettes annonça que la séance était ouverte. Alors Malvoisin, comme parrain du champion, s’avança, et déposa aux pieds du grand-maître le gant de la juive, qui était le gage du combat.

« Valeureux seigneur, éminentissime père, dit-il, voici le brave chevalier Brian de Bois-Guilbert, commandeur de l’ordre du Temple, qui, en acceptant le gage du combat que je dépose aux pieds de Votre Révérence, a déclaré qu’il était prêt à faire son devoir en soutenant contre tout survenant, la lance en arrêt, que cette fille juive, nommé Rébecca, a été justement condamnée par la sentence prononcée contre elle, en chapitre du très saint ordre du temple de Sion, à mourir comme sorcière ; le voici, dis-je, prêt à combattre honorablement en vrai chevalier, si tel est le bon plaisir de Votre Révérence.

— A-t-il prêté serment que la querelle est juste et honorable ? demanda le grand-maître. Faites apporter le crucifix et le Te igitur.

— Éminentissime père, » répondit avec empressement Malvoisin, « notre frère ici présent a déjà prêté serment entre les mains du brave chevalier Conrad de Montfichet, et doit être dispensé de