Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/40

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meillait après l’orage d’une passion disparue ; mais la projection des veines de son front, la promptitude avec laquelle sa lèvre supérieure, couverte d’une moustache noire et épaisse, grimaçait à la plus légère émotion, prouvaient assez qu’on pouvait aisément réveiller dans son cœur cet orage assoupi. Un seul regard de ses yeux noirs et perçans faisait deviner combien de difficultés il avait surmontées, et combien de dangers il avait endurés ; il semblait même souhaiter une digue à ses volontés fortes, dans l’unique but de pouvoir la briser par de nouvelles démonstrations de vigueur et de courage ; une profonde cicatrice au front donnait encore à sa physionomie un air dur et farouche, et une sinistre expression à ses yeux qui avaient été légèrement atteints par la même blessure, et dont les rayons visuels, d’ailleurs très pénétrants, étaient légèrement obliques.

L’habillement de dessus de ce personnage ressemblait à celui de son compagnon. C’était un long manteau de moine, mais dont la couleur écarlate indiquait que celui qui le portait n’appartenait à aucun des quatre ordres réguliers. Sur l’épaule droite du manteau était taillée en drap blanc une croix d’une forme particulière[1]. Ce premier vêtement cachait, ce qui d’abord paraissait peu en harmonie avec sa forme, une cotte de mailles avec des manches et des gantelets de même métal, curieusement travaillés et aussi flexibles sur le corps que s’ils avaient été tissus au métier. Le devant de ses cuisses, où les plis de son manteau permettaient de les voir, était aussi couvert de métal tissu ; les genoux, les jambes et les pieds se trouvaient protégés par de petites plaques d’acier artistement unies, pour compléter ainsi, en couvrant jusqu’aux chevilles, l’armure défensive du cavalier. À sa ceinture pendait un long poignard à double tranchant, seule arme offensive qu’il portât.

Il montait une haquenée, comme son compagnon, mais plus vigoureuse, et c’était afin de ménager son beau cheval de combat, qu’un écuyer conduisait derrière par la bride, et qui était harnaché comme pour l’instant de la bataille, ayant la tête protégée par un fronteau d’acier, terminé en fer de pique. À un côté de la selle pendait une hache de guerre richement damasquinée, et à l’autre un casque orné de plumes, et un capuchon de métal tissu, avec une

  1. Il est ici question du manteau des templiers ; c’est sans doute par erreur que Walter Scott y place la croix sur l’épaule droite, car le costume la représente sur l’épaule gauche, et elle est marquée en étoffe noire ou rouge sur blanc, au lieu de l’être en blanc sur noir. a. m.