Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/371

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tre, marchant d’un pas grave et solennel, et se faisant un salut silencieux ; car les fondateurs de l’ordre avaient établi ses statuts sur cette maxime du texte sacré : « Si tu parles inutilement, tu n’éviteras pas le péché ; » et encore : « La vie et la mort sont au pouvoir de la langue. » En un mot, la rigueur sévère et ascétique de la discipline du Temple, qui, pendant si long-temps, avait fait place à la prodigalité et à la licence, semblait avoir tout-à-coup repris son empire à Templestowe, sous l’œil sévère de Lucas de Beaumanoir.

Isaac s’arrêta un instant pour réfléchir aux moyens de se procurer l’entrée du château, et à se concilier la faveur de ceux qui l’habitaient ; car il n’ignorait pas que le fanatisme renaissant de l’ordre n’était pas moins dangereux pour sa malheureuse race que la licence effrénée qui y régnait naguère, et que sa religion ne l’exposerait pas moins alors à la haine et à la persécution, que, peu de jours avant, ses richesses ne l’auraient exposé aux extorsions de ces impitoyables oppresseurs.

En ce moment Lucas de Beaumanoir se promenait dans un petit jardin dépendant de la préceptorerie, situé dans l’enceinte des fortifications extérieures, et s’entretenait d’un air triste et confidentiel avec un chevalier de son ordre, venu avec lui de la Palestine.

Le grand-maître était un homme avancé en âge, comme le prouvaient sa longue barbe grise et ses épais sourcils, déjà grisonnants, qui ombrageaient des yeux dont la vieillesse n’avait pas encore amorti le feu. Guerrier formidable, son regard sévère avait toute la férocité de celui du soldat ; bigot ascétique, ses traits n’étaient pas moins marqués par l’amaigrissement, effet de l’abstinence, que par l’orgueil qui accompagne toujours le fanatisme religieux. Cependant, malgré la dureté de sa physionomie, on découvrait en lui quelque chose d’imposant et de noble, qui sans doute était dû aux relations que sa haute dignité lui donnait lieu d’entretenir avec les princes et les monarques, non moins qu’à l’habitude du commandement suprême, que les statuts de l’ordre lui attribuaient sur les vaillants et nobles chevaliers qui marchaient sous la bannière du Temple. Sa taille était élevée, son corps droit, malgré l’âge et les fatigues, et sa démarche majestueuse. Son manteau de bure blanche, taillé suivant la règle de saint Bernard, et avec la régularité la plus rigoureuse, allait parfaitement à sa taille, et l’on voyait sur son épaule gauche la croix octogone, en drap rouge, qui distinguait son ordre. Ce manteau n’était orné ni de vair, ni d’hermine ; mais,