Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/327

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heureux Saxon avait levée pour parer le coup, et descendit avec une telle violence sur sa tête, qu’il le renversa dans la poussière.

« Te voilà payé ! Beaucéan, Beaucéan ! s’écria Bois-Guilbert ; périssent ainsi tous les blasphémateurs de l’ordre du Temple ! » Profitant de la consternation dans laquelle la chute d’Athelstane avait plongé ses adversaires, il ajouta aussitôt : « Que ceux qui veulent se sauver me suivent ! » et s’élançant vers le pont-levis, il le traversa, malgré la résistance des archers, suivi de ses Sarrasins et de cinq ou six hommes d’armes qui étaient remontés sur leurs chevaux. Le templier n’effectua pas sa retraite sans quelque danger, car nombre de traits furent lancés sur lui et sur sa troupe ; mais les vainqueurs ne songèrent pas à le poursuivre, car le pillage du château avait pour eux beaucoup plus d’attraits qu’un combat à mort avec un tel adversaire.

Bois-Guilbert se dirigea au galop vers la barbacane, présumant qu’il était possible que de Bracy s’en fût emparé, d’après le plan qu’il avait concerté avec lui.

« De Bracy ! de Bracy ! s’écria-t-il, es-tu là ?

— Oui, répondit-il, mais j’y suis prisonnier.

— Puis-je te secourir ?

— Non : je me suis rendu, secouru ou non secouru, et je serai fidèle à ma parole. Sauve-toi ; les faucons sont lâchés… Mets la mer entre l’Angleterre et toi… Je n’ose t’en dire davantage.

— Eh bien ! puisque tu veux rester ici, souviens-toi que j’ai dégagé ma parole. Quant aux faucons, qu’ils soient où ils voudront, les murs de la préceptorerie de Templestowe offriront au héron un sûr abri, et c’est là que je me retire. »

À ces mots il mit son cheval au galop, et disparut avec sa suite.

Ceux des assiégés qui n’avaient pu sortir du château, continuèrent à se battre en désespérés, après le départ du templier, non qu’ils eussent aucun espoir de vaincre, mais parce qu’ils n’attendaient point de quartier. Le feu s’était propagé dans toutes les parties du château, et Ulrique, qui l’avait allumé, parut en ce moment sur une des tours, semblable à une de ces furies dont les anciens nous ont donné la description[1], et faisant entendre le chant de guerre qu’entonnaient avant la bataille les scaldes des Saxons

  1. Les furies Scandinaves étaient nommées les Wakyries (choisisseuses de morts). Montées sur dos coursiers agiles, elles s’élançaient, le glaive à la main, dans la mêlée, et choisissaient les guerriers destinés à mourir, pour les conduire au palais d’Odin (le Walhala), qui était le paradis des braves. a. m.