Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/320

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droit à la poitrine d’un des hommes d’armes qui d’après les ordres de de Bracy, était occupé à arracher une pierre des créneaux pour la précipiter sur Cedric et le chevalier Noir. Un second soldat prit le levier des mains du mourant pour achever sa besogne ; mais une flèche l’atteignit à la tête et le fit tomber mort dans le fossé. Les autres furent épouvantés, car aucune armure paraissait ne pouvoir résister aux traits du redoutable archer.

« Lâches ! s’écria de Bracy, n’osez-vous donc avancer ? Montjoie Saint-Denis ! Donnez-moi un levier. » En même temps il se saisit d’une barre de fer avec laquelle il essaya de faire avancer le fragment déjà détaché. Elle était d’un poids si énorme que dans sa chute elle aurait non seulement mis en pièces les restes du pont-levis à l’abri desquels se tenaient les deux assaillants, mais aurait même coulé à fond le pont grossier sur lequel ils avaient traversé le fossé. Tous virent le danger, et les plus hardis d’entre eux, et le moine lui-même, tout intrépide qu’il fût, n’osèrent mettre le pied sur le radeau. Trois fois Locksley banda son arc, et trois fois sa flèche fut repoussée par l’excellente armure de de Bracy.

« Maudite soit ta cotte d’armes espagnole ! dit-il ; si elle eût été de fabrique anglaise, mes flèches auraient traversé cet acier aussi facilement que de la soie ou qu’une toile grossière. » Et il se mit à crier : « Camarades ! amis ! chevalier Noir, noble Cedric ! en retraite : une masse énorme va tomber sur vous ! » Sa voix ne fut pas entendue ; car le bruit que faisait la hache d’armes du chevalier en frappant sur la poterne aurait couvert le son de vingt trompettes de guerre. Enfin le fidèle Gurth s’élança sur le pont volant pour aller avertir Cedric du danger qu’il courait, ou pour mourir avec lui ; mais il serait arrivé trop tard : déjà la pierre chancelait et les efforts de de Bracy allaient être couronnés de succès, lorsque la voix du templier fit retentir ces mots à son oreille :

« Tout est perdu, de Bracy, le château est en feu !

— Es-tu fou ? répondit le chevalier.

— La tour de l’ouest est la proie des flammes ; j’ai vainement cherché à arrêter les progrès de l’incendie. »

Quelque effrayante que fût cette nouvelle, Brian de Bois-Guilbert l’annonça avec ce stoïque sang-froid qui formait la base de son caractère ; mais elle ne fut pas reçue avec le même calme par de Bracy, qui s’écria :

« Par tous les saints du paradis ! que nous reste-t-il à faire ? Je