Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/314

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« l’assaut recommence, les cris de guerre se font entendre ! Ce bruit, cet épouvantable tumulte t’annoncent la chute de ta maison. La puissance de Front-de-Bœuf, cette puissance cimentée par le sang, est ébranlée jusqu’en ses fondements, et va s’écrouler devant les ennemis qu’il a le plus méprisés ! Les Saxons, Reginald, les Saxons escaladent tes murailles. Pourquoi restes-tu étendu ici comme une bête fauve qui n’a plus de force, pendant que le Saxon donne l’assaut à ta forteresse ?

— Dieux et démons ! oh ! rendez-moi quelque vigueur, que je me jette dans la mêlée, et que je trouve une mort digne de ma renommée !

— Ne l’espère pas, vaillant guerrier, tu ne mourras point de la mort des braves ; mais tu périras comme le renard lorsque des paysans ont mis le feu dans sa tanière.

— Tu mens, horrible sorcière : mes hommes d’armes sont braves ; mes murailles sont fortes et élevées ; mes compagnons d’armes ne craindraient pas tout une armée de Saxons, fût-elle commandée par Hengist et Horsa ! Le cri de guerre du templier et des francs-compagnons se fait entendre au dessus du tumulte de la bataille ; et j’en jure par mon honneur, le feu que nous allumerons pour célébrer notre victoire consumera jusqu’à tes os ; et je vivrai assez pour apprendre que tu es passée des feux de ce monde dans ceux de l’enfer, qui n’a jamais vomi sur la terre un démon plus exécrable que toi.

— Ne te livre pas à cet espoir ; il pourra être déçu… Mais non, » ajouta-t-elle en s’interrompant, « il faut que tu saches à l’instant même le sort qui t’attend, sort que ni ta puissance, ni ta force, ni ton courage, ne peuvent te faire éviter, quoiqu’il t’ait été préparé par cette faible main. Ne remarques-tu pas cette vapeur épaisse et suffocante qui déjà circule en noirs tourbillons dans cette chambre ? t’imagines-tu que ce soit tes yeux qui s’obscurcissent, ta respiration qui devienne plus difficile ? Non, Front-de-Bœuf, cette fumée est produite par une autre cause : te souviens-tu que le magasin à bois est situé au dessous de cet appartement ?

— Femme ! » s’écria-t-il avec fureur, « tu n’y as pas mis le feu ?… Mais, de par le ciel ! le château est en flammes !

— Du moins vont-elles bientôt s’élever dans les airs, » dit Ulrique avec un calme affreux ; « et un signal va avertir les assiégeants de presser vivement ceux qui chercheraient à les éteindre. Adieu, Front-de-Bœuf ; que Mista, Skogula, Zernebock, ces dieux