Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/308

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le château. Comment cette tourbe d’yeomen s’est-elle battue de ton côté ?

— Comme des diables incarnés. Ils se sont portés en masse jusqu’au pied des murailles, commandés, je crois, par le drôle qui remporta le prix de l’arc ; car j’ai reconnu son cor et son baudrier. Et voilà le fruit de la politique si vantée du vieux Fitzurse ; elle ne fait qu’encourager ces insolents coquins à se révolter contre nous. Si mon armure n’eût pas été d’une aussi bonne trempe, il m’aurait percé sept fois avec tout aussi peu de remords que si j’eusse été un daim. Il a passé en revue chaque partie de mon corselet, lançant contre moi des flèches de la longueur d’une verge, avec aussi peu de ménagement que si mes côtés eussent été de fer. Sans ma cotte de mailles espagnole, que j’avais mise sous ma casaque, c’en était fait de moi.

— Mais vous vous êtes maintenus dans votre poste, tandis que nous, nous avons été délogés des ouvrages extérieurs.

— C’est un grand malheur ; car ces coquins vont trouver là un abri, à la faveur duquel ils attaqueront le château de plus près, et pourront, si on ne les surveille avec attention, profiter de quelque poste mal gardé sur une tour, ou de quelque fenêtre oubliée, pour s’introduire dans la forteresse. Nous avons trop peu de monde pour protéger tous les points, et nos hommes se plaignent de ce qu’ils ne peuvent se montrer nulle part sans devenir aussitôt le but vers lequel sont lancées autant de flèches qu’on en voit décocher au tir du dimanche dans le plus chétif village. De plus, Front-de-Bœuf se meurt, et nous n’avons plus de secours à attendre de sa tête de taureau et de son bras gigantesque. Qu’en pensez-vous, sire Brian ? ne vaudrait-il pas mieux faire de nécessité vertu, et composer avec ces marauds en rendant nos prisonniers ?

— Quoi ! rendre nos prisonniers et devenir l’objet du ridicule et de l’exécration, comme des guerriers qui ont donné une preuve peu commune de vaillance en attaquant de nuit des voyageurs sans défense et en s’emparant de leurs personnes, et qui cependant n’ont pu se maintenir dans un château-fort contre une troupe de vagabonds et d’outlaws commandés par des gardeurs de pourceaux, par des fous, par le rebut de l’espèce humaine ! Tu devrais rougir de donner un pareil conseil, Maurice de Bracy ! Quant à moi, j’ensevelirai plutôt et mon corps et ma honte sous les ruines de ce château, que de consentir à une capitulation aussi lâche et aussi déshonorante.