Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/291

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

part à ne pas obéir à tes ordres. Mais un mot, je t’en prie, sur le pauvre Gurth, et je ne te fais plus de questions.

— C’est avec regret que je suis forcée de te dire qu’il est dans les fers par ordre de Cedric. Cependant, » ajouta-t-elle en voyant l’effet que cette nouvelle venait de produire sur Wilfrid, » Oswald m’a dit que si quelque autre circonstance ne venait ajouter à son mécontentement, Cedric pardonnerait sûrement à Gurth, qui est un serf fidèle, qui possède à un haut degré la confiance de son maître, et qui ne s’est rendu coupable que par son attachement au fils de ce même maître. Il m’a dit de plus que ses camarades, lui Oswald, et jusqu’au fou Wamba, se proposaient d’aider Gurth à s’échapper pendant la route, si la colère de Cedric ne pouvait être apaisée.

— Dieu veuille qu’ils accomplissent ce projet ! dit Ivanhoe. Il semble que je sois destiné à appeler le malheur sur la tête de tous ceux qui me témoignent quelque intérêt !… Mon roi m’a honoré, m’a distingué, et tu vois que son frère, qui lui doit plus que tout autre, prend les armes afin de lui ravir sa couronne. Mes égards pour la plus belle des femmes ont porté atteinte à sa liberté et à sa tranquillité ; et maintenant mon père, dans un accès de colère, peut faire périr ce malheureux esclave, uniquement parce qu’il m’a donné des preuves de zèle et d’affection. Tu vois, jeune fille, à quel être infortuné tu prodigues tes soins ; écoute les conseils de la prudence, et laisse-moi partir avant que les maux qui, semblables à une meute acharnée, suivent mes pas, fondent aussi sur toi.

— Sire chevalier, ton état de faiblesse, le chagrin que tu éprouves, voilent à tes yeux les secrets desseins de la Providence. Tu as été rendu à ta patrie au moment où elle avait le plus grand besoin d’un bras vaillant et d’un cœur intrépide ; tu as humilié l’orgueil de tes ennemis, de ceux de ton roi, lorsque cet orgueil était porté à son comble ; et tu vois que le ciel a envoyé pour panser tes blessures une main secourable, une main habile dans cet art, quoiqu’il l’ait choisie au milieu du peuple que toi et les tiens vous méprisez le plus. Prends donc courage, et pénètre-toi de l’idée que ton bras valeureux est destiné à opérer quelque grand exploit. Adieu. Quand tu auras pris la potion que je vais t’envoyer par Reuben, tâche de prendre un peu de repos, afin d’être en état de supporter les fatigues du voyage. »

Ivanhoe, convaincu par les raisonnements de Rébecca, se conforma entièrement à ses instructions. La vertu calmante et narcoti-