Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/279

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nombreuse que la nôtre, et qui devons nous attendre à être attaqué d’un moment à l’autre ?

— C’est ce que j’allais vous dire, répliqua le moine ; mais vous ne m’en avez pas donné le temps. D’ailleurs je suis vieux, et la vue de ces scélérats d’outlaws suffit pour troubler la tête d’un vieillard Quoiqu’il en soit, je suis certain qu’ils ont établi un camp, et qu’ils s’occupent à construire des machines destinées à donner l’assaut à ce château.

— Aux murailles ! vite aux murailles ! s’écria de Bracy : voyons ce que font ces misérables ; » et en parlant ainsi il ouvrit une fenêtre, garnie d’un treillage, qui conduisait à une espèce de plate-forme ou de balcon en saillie, d’où, ayant regardé, il cria à ses amis : « Par saint Denis ! le vieux moine a dit vrai ; les voilà qui placent des mantelets et des pavois[1], et l’on voit sur la lisière du bois une troupe d’archers semblable à un nuage noir précurseur de la grêle. »

Reginald Front-de-Bœuf jeta aussi un regard sur la campagne, et aussitôt, saisissant son cor, il en tira un son éclatant et prolongé, et donna l’ordre à ses gens de se rendre à leurs postes sur les remparts.

« De Bracy, s’écria-t-il, charge-toi de la défense du côté de l’est, où les murs sont le moins élevés. Noble Bois-Guilbert, le métier des armes, que tu exerces depuis long-temps, t’a rendu habile dans l’art de l’attaque et de la défense des places ; charge-toi de la partie de l’ouest ; moi, je vais me porter à la barbacane. Au reste, mes nobles amis, vous ne devez pas vous borner à défendre un seul point ; nous devons aujourd’hui nous trouver partout, nous multiplier, pour ainsi dire, de manière à porter par notre présence du secours et du renfort partout où l’attaque sera le plus chaude. Nous sommes peu nombreux, il est vrai ; mais l’activité et la valeur peuvent suppléer au nombre, car enfin nous n’avons affaire qu’à de misérables paysans.

— Mais, nobles chevaliers, » s’écria le père Ambroise au milieu du tumulte et de la confusion occasionés par les préparatifs de défense, « aucun de vous ne voudra-t-il écouter la prière du révérend père en Dieu Aymer, prieur de Jorvaulx ? Noble sire Reginald, écoute-moi, je t’en supplie.

  1. Le mantelet était une machine composée de planches, que l’on faisait avancer devant soi, dans l’attaque des places, pour se mettre à couvert des traits des assiégés. Le pavois était un grand bouclier qui couvrait toute la personne. a. m.