Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/243

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criminelle avec une juive ; car il avait vu de ses propres yeux dégrader plusieurs chevaliers convaincus de ce crime ; » belle juive, tu as un esprit vif et subtil ; mais il faudra que ta voix soit bien forte pour se faire entendre au delà des murs de ce château, que ne peuvent percer les gémissements, les lamentations, les appels à la justice, ni les cris de détresse. Il n’y a qu’un seul moyen de te sauver, Rébecca : soumets-toi à ton sort ; embrasse notre religion ; alors tu sortiras d’ici environnée d’une telle magnificence que plus d’une dame normande le cédera en éclat et en beauté à la favorite de la meilleure lance des défenseurs du Temple.

— Me soumettre à mon sort ! et quel sort, juste ciel ! Embrasser ta religion ! et quelle peut être cette religion qui reçoit un pareil monstre parmi ses enfants ? Toi ! la meilleure lance des templiers !… lâche chevalier !… prêtre parjure !… je te méprise et je te brave ! le Dieu d’Abraham a réservé une voie à sa fille pour la tirer de cet abîme d’infamie. »

À ces mots, elle ouvrit la fenêtre treillissée qui donnait sur la plate-forme, et en un instant elle se trouva debout sur le parapet, ayant sous ses pieds un précipice épouvantable. Ne s’attendant pas à cet acte de désespoir, car jusqu’alors Rébecca était restée entièrement immobile, Bois-Guilbert n’eut le temps ni de la retenir ni de lui couper le chemin.

« Reste où tu es, fier templier, s’écria-t-elle, ou approche, je t’en laisse le choix ; mais si tu fais un pas de plus, je me plonge dans ce précipice. Mon corps sera brisé, sera étendu méconnaissable sur les pierres qui pavent la cour, avant que je devienne la victime de ta brutalité. »

En parlant ainsi, elle joignit les mains et les leva vers le ciel, comme pour implorer sa miséricorde avant de s’élancer dans l’abîme. Le templier hésita, et son audace, qui n’avait jamais cédé à la pitié ni aux larmes, céda à l’admiration que lui inspirait un tel courage.

« Descends, dit-il, fille imprudente ! Je jure par la terre, par la mer et par le ciel, que je ne chercherai pas à t’outrager.

— Je ne me fierai pas à toi, templier : tu m’as appris à connaître les vertus de ton ordre. Dans la préceptorerie voisine tu trouverais aisément l’absolution pour avoir violé un serment qui n’intéresse que l’honneur ou le déshonneur d’une misérable juive.

— Tu me calomnies, dit le templier. Je jure par le nom que je porte, par cette croix tracée sur ma poitrine, par l’épée suspendue à mon côté ; je jure pur les armoiries de mes ancêtres, que tu n’as