Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/143

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tre chaque pause on entendait la voix des hérauts qui s’écriaient[1] : « Courage ! courage, braves chevaliers ! l’homme meurt, mais la gloire vit ! Frappez ! la mort vaut mieux que la défaite ! Courage, braves chevaliers ! vous combattez sous les yeux de la beauté ! »

Au milieu des chances variées du combat, tous les regards s’efforçaient de découvrir les deux chefs de chaque troupe, qui s’élançant dans la mêlée, encourageaient leurs compagnons autant de la voix que par leur exemple. Tous deux multipliaient leurs prodiges de valeur ; et ni Brian de Bois-Guilbert ni le chevalier déshérité n’eussent rencontré dans les rangs du parti opposé un champion capable de se mesurer avec eux. Dévorés d’une haine mutuelle, ils se cherchaient réciproquement pour en venir à un combat singulier, certains que la chute de l’un des chefs serait le gage de la victoire pour le parti opposé. Mais telles étaient la foule et la confusion, que pendant long-temps leurs efforts pour se joindre restèrent sans effet ; sans cesse ils étaient séparés par la bouillante audace des autres chevaliers, qui tous brûlaient de se distinguer en mesurant leurs forces contre le chef de leurs adversaires.

Mais lorsque le champ de bataille eut commencé à s’éclaircir ; lorsque les uns, repoussés aux extrémités de la lice, eurent été forcés de s’avouer vaincus, et que les autres, couverts de larges blessures, se virent dans l’impuissance de continuer le combat, le templier et le chevalier déshérité se joignirent enfin, et fondirent l’un sur l’autre avec toute la fureur qu’une mortelle animosité, unie à la rivalité de la gloire, était capable de leur inspirer. Telle fut leur adresse dans l’attaque et la défense, que les spectateurs poussèrent d’unanimes et spontanées acclamations pour témoigner leur ravissement et leur admiration.

Mais dans ce moment le parti du chevalier déshérité eut le dessous : le bras gigantesque de Front-de-Bœuf d’un côté, et la force prodigieuse d’Athelstane de l’autre, frappaient et dispersaient tous ceux qui s’offraient à leurs coups. Se voyant délivrés de leurs adversaires immédiats, il paraît que l’idée leur vint à tous deux au même instant d’assurer la victoire à leur parti en s’unissant au templier pour combattre son ennemi. Ils donnèrent donc de l’éperon à leurs coursiers, et s’élancèrent en même temps pour l’attaquer, le Normand d’un côté, et le Saxon de l’autre. Il eût été entièrement impossible que le chevalier déshérité soutînt une lutte aussi inatten-

  1. Fight on, brave knights ! man dies, but glory lives ! Fight on ! death is bether than defeat ! Fight on, brave knights ! fort bright eyes behold your deeds ! a. m.