Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/115

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lement, sans doute, l’injure faite à sa fille, si, ce qui était probable, le vainqueur venait à faire un autre choix.

Ce fut en effet ce qui arriva ; car le chevalier déshérité passa près de la galerie attenante à celle du prince, et dans laquelle Alicie était assise, déployant tout l’orgueil d’une beauté triomphante ; il s’avançait avec autant de lenteur qu’il avait mis de vitesse à parcourir la lice ; il semblait jouir du privilège qui lui était accordé d’examiner les beautés nombreuses qui ornaient ce cercle magnifique.

L’aspect qu’elles présentaient, pendant tout le temps que durait cet examen, était vraiment digne de piquer la curiosité. Quelques unes rougissaient, quelques autres prenaient un air d’orgueil et de dignité ; les unes regardaient en face et feignaient d’ignorer ce dont il s’agissait, les autres s’efforçaient d’arrêter un sourire, deux ou trois même riaient aux éclats. Quelques unes d’entre elles voilaient alors leurs charmes ; mais, comme le manuscrit de Wardour assure que plusieurs de ces beautés brillaient depuis dix années, on peut supposer que, rassasiées alors de toutes les vanités du monde, elles voulaient d’elles-mêmes renoncer aux honneurs du triomphe, pour laisser aux beautés naissantes de cette époque plus d’espoir de succès. Enfin, le champion s’arrêta sous la galerie où Rowena était placée, et dès ce moment l’anxiété des spectateurs fut poussée à son comble.

Il faut avouer que, si l’intérêt manifesté en sa faveur avait pu attirer ici le chevalier déshérité, cet endroit de la lice devant lequel il s’arrêta méritait sa prédilection. Cedric le Saxon avait éclaté de joie à la déconfiture du templier, et plus encore à la mésaventure de Front-de-Bœuf et de Malvoisin, deux de ses ennemis les plus perfides ; le corps moitié sorti de la galerie, il avait accompagné le vainqueur dans toutes ses courses, non seulement des yeux, mais encore de tout son cœur, de toute son âme. Lady Rowena avait observé avec une égale attention les événements du jour, quoique sans paraître y attacher un aussi vif intérêt. L’indolent Athelstane lui-même avait fait mine plusieurs fois de sortir de son apathie lorsqu’en demandant un grand verre de muscat, il l’avait bu à la santé du chevalier vainqueur. Un autre groupe, stationné sous la galerie occupée par les Saxons, n’avait pas pris une part moins vive aux destins de la journée

« Père Abraham ! dit Isaac d’York en voyant la première course engagée entre le templier et le chevalier déshérité ; oh, comme il chevauche noblement ce Gentil ! quel bon cheval de Barbarie il