Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/411

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tête le colonel Wittenbold ; Morton et un officier civil les accompagnaient.

Sommés, au nom de Dieu et du roi Guillaume, de se rendre à l’instant, les assaillants obéirent tous, à l’exception de Burley, qui tourna bride et essaya de s’échapper. Plusieurs dragons le poursuivirent par l’ordre de leur chef ; mais comme il était bien monté, il n’y en eut que deux qui, devançant les autres, parvinrent à l’atteindre. Burley, se voyant serré de près, s’arrête, fait face à ses deux ennemis, et, tirant à la fois ses deux pistolets, en blesse un mortellement, et abat le cheval de l’autre ; puis il se remet à fuir vers le pont de Bothwell ; mais, s’apercevant que les deux issues en sont fermées et gardées, il côtoie la rivière jusqu’à un endroit où elle paraissait guéable, et s’y précipite. Mais ceux qui le poursuivaient parvinrent bientôt jusqu’au bord de la Clyde, et firent pleuvoir sur lui une nuée de balles, dont deux l’atteignirent et le blessèrent dangereusement. Il était alors au milieu de l’eau. Tournant bride sur-le-champ, Burley éleva une main comme pour faire comprendre qu’il se rendait, et revint vers la rive qu’il venait de quitter. Les dragons cessèrent le feu, même deux d’entre eux s’avancèrent de quelques pas dans la rivière pour le soutenir et le faire prisonnier. Mais on eut bientôt reconnu qu’il ne voulait que venger sa mort, et non sauver sa vie. Dès qu’il fut près des deux soldats, rassemblant ce qui lui restait de forces, il déchargea sur la tête de l’un d’eux un coup de sabre qui le renversa de cheval. L’autre, homme d’une vigueur extraordinaire, se précipite sur lui pour le prendre à bras le corps ; mais Burley le saisit à la gorge, comme un tigre mourant saisit sa proie, et dans la lutte qui s’établit entre eux, ils perdent les étriers et sont emportés par le courant. Le sang que perdait le blessé montant à la surface de l’eau, marquait leur passage ; deux fois on les vit reparaître, le dragon s’efforçant de nager, et Burley luttant afin de l’entraîner et de le faire périr avec lui. Leurs cadavres furent retrouvés un mille au-dessous du pont ; mais, pour les séparer il aurait fallu couper les doigts de Burley, tant il serrait le cou du malheureux soldat : on les déposa donc tous deux dans une tombe creusée à la hâte et sur une pierre grossière que l’on y voit encore, on grava une épitaphe non moins dépourvue d’art[1].

  1. Ami lecteur, j’ai prié mon honnête ami Pierre Proudfoot (Pas-léger), marchand ambulant fort connu dans ce pays pour les prix justes et modérés de ses mousselines,