Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/406

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miss Bellenden d’un grand embarras : « Mon frère nous quitte aujourd’hui, miss Bellenden, dit-elle enfin. — Nous quitte ! s’écria Édith ; c’est pour retourner chez lui, je pense ? — J’ai lieu de croire qu’il se prépare à faire un plus long voyage, répondit lady Émilie ; il n’a plus rien qui le retienne dans ce pays. — Bon Dieu ! s’écria Édith, suis-je donc née pour la ruine de tout ce qu’il y a de généreux et de plus noble au monde ! Que peut-on faire pour l’empêcher de courir à sa perte ? Je vais descendre à l’instant… Dites-lui que je le conjure de ne pas partir avant que je lui aie parlé ! — Ce sera inutile, miss Bellenden ; néanmoins je ferai votre commission. » Elle sortit de la chambre avec la même gravité qu’elle avait montrée en y entrant, et alla informer son frère que miss Bellenden se trouvait si bien qu’elle descendrait avant qu’il partît. « Je suppose, ajouta-t-elle d’un ton d’aigreur, que l’espérance d’être bientôt débarrassée de votre compagnie l’a guérie de ses vapeurs. — Ma sœur, dit lord Evandale, vous êtes injuste, sinon envieuse. — Injuste, je puis l’être, Evandale ; mais je n’aurais jamais deviné, » dit-elle en jetant les yeux sur une glace, « qu’on pût me soupçonner d’envie sans en avoir de plus justes motifs… Mais allons trouver la vieille lady ; elle a fait servir dans l’autre pièce un dîner qui aurait suffi pour votre régiment quand vous en aviez un. »

Lord Evandale la suivit en silence ; car il savait qu’il était inutile de combattre ses préventions et son orgueil offensé. Ils trouvèrent la table couverte de mets préparés sous la surveillance attentive de lady Marguerite.

« Ce n’est point un déjeuner, milord Evandale ; mais avant de monter à cheval, vous partagerez avec nous cette petite collation : c’est tout ce qu’a pu faire de mieux dans sa présente situation, une personne qui vous a tant d’obligations. J’aime que les jeunes gens prennent quelque chose avant de monter à cheval pour aller à la chasse ou à leurs affaires ; c’est ce que je dis à Sa très-sacrée Majesté quand elle déjeuna à Tillietudlem, l’an de grâce 1651 ; et elle me fît l’honneur de me répondre, en buvant à ma santé un verre de vin du Rhin : « Lady Marguerite, vous parlez comme un oracle des Highlands. » Ce sont les propres mots de Sa Majesté : ainsi Votre Seigneurie jugera si je n’ai pas une bonne autorité pour vous engager à prendre quelque nourriture avant de vous mettre en route. »

Il est permis de supposer qu’une bonne partie du discours de