Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/401

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

drais leur faire restituer des richesses et des biens dont il a fallu les dépouiller ? Tu crois qu’il existe sur la terre un autre homme, offensé plus cruellement que toi, et cependant assez insensible, assez bas, assez rampant pour commettre une telle lâcheté ; et tu as osé supposer que cet homme sera John Balfour ? — Je ne dois compte qu’à Dieu de mes propres sentiments. Je suppose, monsieur Balfour, qu’il vous importe peu que ces biens soient possédés par Basile Olifant ou par lord Evandale. — Tu te trompes. Tous deux sont, il est vrai, plongés dans les ténèbres et privés de la lumière, comme celui dont les yeux ne se sont jamais ouverts à la clarté du jour. Mais ce Basile Olifant est un Nabal, un misérable, dont les richesses et le pouvoir sont à la disposition de celui qui peut le menacer de l’en dépouiller. Il a embrassé notre parti parce qu’il n’avait pu obtenir les domaines de Tillietudlem ; il s’est fait papiste pour les posséder ; il est devenu érastien pour les conserver ; et il sera tout ce que je voudrai, tant que j’aurai en mon pouvoir ce papier qui peut l’en priver. Ces terres sont comme un mors dans sa bouche et un crampon dans ses narines ; la bride et la corde sont entre mes mains pour le diriger à mon gré. Il les gardera donc, à moins que je ne sois certain de les donner à un ami fidèle et sûr. Mais lord Evandale est un réprouvé dont le cœur est de pierre, et le front de diamant ; les biens de ce monde ne sont pour lui que les feuilles desséchées qui tombent sur la terre gelée, et il les verra sans émotion emporter par le premier coup de vent. Les vertus mondaines d’un tel homme sont plus dangereuses pour nous que la sordide cupidité de ceux qui, guidés par leur propre intérêt, lui obéissent toujours ; car ces esclaves de l’avarice peuvent être forcés de travailler à la vigne, ne fût-ce que pour gagner le salaire de l’iniquité. — Tout cela eût été bien il y a quelques années ; alors j’aurais pu me rendre à vos raisons, quoique je ne les reconnaisse pas comme justes et équitables ; mais, dans l’état actuel des affaires, il me semble sans utilité pour vous de vouloir conserver sur Olifant une influence qui ne peut mener à aucun résultat profitable. Le pays jouit de la paix et de la liberté de conscience… Que voulez-vous de plus ? — Ce que je veux de plus ? » s’écria Burley en tirant de nouveau son épée avec une vivacité qui fit presque tressaillir Morton. « Regarde les brèches de cette arme ; elles sont au nombre de trois ; les vois-tu ? — Je les vois ; mais que voulez-vous dire ? — Le fragment d’acier qui a été enlevé à cette première brèche est resté dans le crâne du