Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/399

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l’air. « Ne te l’avais-je pas dit ?… j’ai résisté, et tu as fui !… lâche que tu es… Déploie toutes tes terreurs… viens avec mes propres fautes, qui te rendent encore plus terrible… j’ai dans ce livre tout ce qu’il faut pour me défendre… Que parles-tu de cheveux gris ?… C’était un devoir de le tuer… plus l’épi est mûr, plus il appelle la faucille… Es-tu parti ?… Es-tu parti ?… Je t’ai toujours trouvé lâche… Ah ! ah ! ah ! »

Après ces sombres exclamations, il baissa la pointe de son épée, et resta debout et immobile, comme un maniaque dont l’accès a cessé.

« Le moment dangereux est passé, » dit la jeune fille, qui avait suivi Morton ; « il dure rarement après que le soleil est sur la colline ; vous pouvez vous avancer et lui parler. Je vous attendrai de l’autre côté de l’eau : il ne consent jamais à voir deux personnes à la fois. »

Morton, d’un pas lent, et se tenant sur ses gardes, se présenta à son ancien collègue.

« Quoi ! tu viens quand ton heure est passée ! » telle fut la première exclamation de Burley, qui se mit à brandir son épée : ses traits exprimaient une terreur mêlée de rage. — Je viens, monsieur Balfour, » dit Morton d’une voix ferme et calme, « renouveler une connaissance qui a été interrompue depuis la bataille du pont de Bothwell. »

Burley, sitôt qu’il eut reconnu Morton, comprima son imagination ardente et exaltée par cette force de volonté extraordinaire qui le caractérisait. Il baissa son épée, et, après l’avoir remise tranquillement dans le fourreau, il murmura quelques mots sur l’humidité et le froid qui forçaient un vieux soldat à cultiver l’art de l’escrime pour empêcher son sang de se glacer. Après quoi il prit ce ton froid et solennel qu’il ne quittait jamais dans sa conversation habituelle.

« Tu as tardé bien long-temps, Henri Morton, et tu n’es venu dans la vigne que quand la douzième heure a sonné. Es-tu prêt à mettre la main à l’œuvre et à t’associer à ceux pour qui les trônes et les dynasties ne sont rien, et pour qui l’Écriture est la règle de leur conduite ? — Je m’étonne, » dit Morton, qui voulait éviter de répondre directement à sa question, « que vous me reconnaissiez après tant d’années. — Les traits de ceux qui ont eu le courage de travailler avec moi sont gravés dans mon cœur : et quel autre que le fils de Silas Morton oserait venir me chercher dans cet