Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 10, 1838.djvu/396

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reils chemins ? — Aucunement, reprit l’enfant ; nulle créature vivante ne voudrait faire du mal à un être aussi faible que moi ; et ma grand’mère dit qu’on n’a rien à craindre quand on fait une bonne action. — L’innocence lui donne autant de force que si elle était couverte d’une triple armure ! » dit Morton en lui-même ; et il la suivit en silence.

Ils arrivèrent bientôt à un endroit couvert d’épines et de broussailles, et qui paraissait autrefois planté de chênes et de bouleaux. Là, la jeune fille quitta tout-à-coup la bruyère, et conduisit Morton vers un ruisseau. Un mugissement sourd l’avait en partie préparé au spectacle qui s’offrait à lui, et qu’on ne pouvait contempler sans surprise et terreur. En sortant de l’étroit sentier qui l’avait conduit au travers de cette espèce de bois, il se trouva sur la plate-forme d’un rocher qui s’avançait sur un ravin de plus de cent pieds de profondeur, dans lequel le ruisseau qui descendait d’une montagne, tombait avec fracas. L’œil cherchait en vain à plonger au fond de cet abîme ; il n’apercevait qu’une épaisse écume et une étroite issue, jusqu’à ce qu’il fût arrêté par les pointes de rochers sur lesquelles les eaux tombaient en bouillonnant, et qui empêchaient de voir le sombre réservoir qui les recevait. Plus loin, environ à un quart de mille, on voyait de nouveau le cours sinueux du ruisseau, dont le lit commençait à s’élargir ; mais jusque-là il était aussi impossible de le suivre que s’il eût passé sous les voûtes d’une caverne ; car les rochers saillants à travers lesquels il coulait d’abord semblaient se rapprocher et le couvrir complètement.

Pendant que Morton admirait le bruit de ces eaux qui semblaient vouloir se dérober aux regards sous les buissons et les rochers au travers desquels elles coulaient, son jeune guide, qui se tenait près de lui, le tira par la manche, et lui dit, d’une voix qu’il ne pouvait entendre sans approcher de fort près son oreille : « Écoutez-le ! écoutez-le ! »

Morton écouta plus attentivement ; et, du fond même de l’abîme dans lequel se précipitait le ruisseau, au milieu du bruit causé par sa chute, il crut distinguer des sons, des cris, et même des mots articulés, comme si le démon de l’onde mêlait ses plaintes au mugissement de ses flots irrités.

« Voilà le chemin, dit la jeune fille, suivez-moi, s’il vous plaît, monsieur, mais prenez bien garde à vos pieds : » puis, avec une agilité et un courage que l’habitude lui rendait faciles, elle quitta